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Berner Alpkäse, Berner Hobelkäse (AOP)

Berner Alpkäse, Berner Hobelkäse (AOP)

En bref

Le fromage d’alpage bernois est un fromage gras au lait cru et à pâte dure. Une meule pèse entre cinq et quatorze kilos. Sa pâte n’a pas de trous. Il a une saveur plutôt épicée et piquante.

Le Hobelkäse bernois (fromage à rebibes) est une variété plus noble, vieillie plus longuement. Sa pâte est plus fragile et plus sèche, ce qui lui donne plus de corps. Son nom provient du fait qu’on ne peut pas couper ce fromage extra-dur, il est donc raboté en rebibes, extrêmement fines, à l'aide d'une râpe spéciale et présenté sous forme de petits rouleaux. L’appellation « Hobelkäse » est parfois aussi utilisée pour des fromages d’alpage extra-durs dans le Pays-d’Enhaut, la Suisse centrale ou le Valais.

Comme tous les fromages d’alpage suisses, il est soumis à la réglementation de l’Ordonnance sur la terminologie agricole. Ensuite, il peut être produit, durant la période d’estivage, dans un alpage reconnu. Le lait cru non traité doit provenir de vaches pouvant paître librement sur une prairie d’alpage. Un fromage de montagne peut être fabriqué toute l’année, mais doit provenir d’une fromagerie située dans une zone de montagnes. Pour la production de fromage de montagne, l’utilisation de lait pasteurisé est autorisée, pour autant qu’il provienne de la région de montagnes.

Les fromages d’alpage et à rebibes bernois sont produits dans l’Oberland bernois tout comme dans certaines régions alpines de l’Emmental ou dans les cantons de Vaud et de Lucerne. Le fromage d’alpage bernois est exclusivement distribué dans sa région de production. Le Hobelkäse par contre, du fait qu’il s’agit d’une spécialité, est distribué dans les commerces de détail de toute la Suisse.

Le Alp- et Hobelkäse sont enregistrés depuis 2001 dans le Registre des appellations d’origine protégée (AOP). Un cahier des charges déposé auprès de l’Office fédéral de l’agriculture décrit les conditions de production à respecter.

Description

Le fromage d’alpage bernois est un fromage au lait cru de vache, à pâte dure et gras. Une meule pèse de 5 à 14 kg et son diamètre peut mesurer de 28 à 48 cm.

Le fromage à rebibes bernois est un fromage gras extra-dur au lait cru. C’est l’affinage du fromage d’alpage bernois qui a permis sa fabrication.

Ingrédients

Lait cru, cultures de bactéries lactiques (aussi appelé levain sur sérum thermophile), présure.

Plus tard, on ajoute du sel et de l’eau pour le bain de saumure et le frottage (entretien de la croûte).

Histoire

Plusieurs preuves relatives à la fromagerie dans les Alpes de l’Oberland bernois remontent jusqu’au 16e siècle. Ainsi, le chroniqueur suisse Johannes Stumpf a écrit dans l’une de ses chroniques de l’année 1548 : «C’est dans les vallées de Frutigen, Sibenthal et Saanen (…)  que sont faits les fromages de Sibenthal et de Saanen ». L’indication sur laquelle il se base pour affirmer que le fromage était le produit laitier le plus cher est le fait qu’il s’agissait d’un fromage à forte teneur en matière grasse (ou 100% gras). Dans le temps, la teneur en graisse était déterminante pour estimer la valeur d’un aliment. L’intérêt pour la commercialisation d’une production de fromages gras à longue conservation s’est inscrit dans la Confédération durant le 15e siècle, lorsque la présure fit son entrée dans le processus de fabrication. Avant cela, on utilisait les matières grasses du lait pour la confection de fromages de chèvres ou de beurre.

Effectivement, le fromage d’alpage gras est devenu un produit important dans l’économie de l’Oberland bernois. Dans les archives de l’Etat de Berne, on retrouve d’ailleurs un article datant de 1619 dans lequel il est écrit que les fromagers de l’Oberland étaient assidus à une production avec « beaucoup plus de graisse ». Ils transportèrent ce fromage gras au-delà du Brunig et du Grimsel jusqu’en Italie, dans le Piémont et ailleurs. Selon le chercheur Alfred G. Roth, cet essor de production de fromage gras aurait même mené vers une pénurie d’approvisionnement en beurre.

Le fromage d’alpage resta une marchandise très importante pour l’Oberland bernois jusqu’au 19e siècle. Il n’existait alors pas encore d’assortiments de fromages ayant chacun leur caractère unique et reconnaissable. En principe, l’appellation provenait plutôt de la région dans laquelle ils avaient été fabriqués. Parmi les fromages produits à cette époque, les différences étaient considérables. L’un des plus réputés de cette période était le fromage de Saanen. Selon les éloges d’un carnet de voyages datant de 1793, les gros fromages, qui étaient cuits à Saanen, appartiennent aux fromages les plus réputés de toute la Suisse et sont les meilleurs lorsqu’on les consomme râpés dans la soupe, comme le parmesan.

Le boom économique de la fromagerie d’alpage pris fin vers le milieu du 19e siècle. La fromagerie, jusque là exploitée uniquement sur l’alpage, s’implanta dans la vallée. On y produisit, durant quelques décennies (env. de 1830-1880), un fromage d’une qualité à peine inférieure, grâce notamment à l’amélioration des techniques de production. Un autre avantage était le fait que la production pouvait s’étendre sur toute l’année, en plus grande quantité et à un coût plus avantageux.

Les fromagers d’alpage ne pouvaient pas concurrencer les fromageries de la vallée. Ils se sont alors retirés du marché de l’exportation pour se consacrer à la production de fromages pour leur propre usage et pour un marché plus local. Les meules de fromages sont alors devenues plus petites. Une meule de fromage d’alpage bernois d’un poids maximum de 15 kg est nettement moins grande qu’une meule d’Emmental (jusqu’à 110 kg), de Sbrinz (jusqu’à 45 kg) ou encore de Gruyère (jusqu’à 40 kg). Ce qui était déterminant au 19e siècle n’était pas le poids de la meule, mais le nombre d’exportations comptabilisées par la douane.

L’association « CasAlp » fut fondée en 1990. Elle fut créée pour commercialiser les différentes sortes de fromages d’alpage de l’Oberland bernois sous un nom commun de « Berner Alpkäse » et « Berner Hobelkäse ».

Production

Le fromage d’alpage bernois se distingue par sa pâte extra-dure, mais aussi par son goût épicé et piquant.

Sa saveur est due à la richesse et à la diversité de la flore et des plantes aromatiques des pâturages montagnards. Plus importants encore sont les acides lactiques de la culture de bactéries qu’on injecte dans le lait cru avant la transformation. Lors de l’étape de la fermentation du lactose et, plus tard, des protéines, ils transmettent au fromage ce goût typique. Dans l’Oberland bernois, les bactéries lactiques proviennent des semences, contrôlées par les gardiens d’alpage eux-mêmes; elles sont donc uniques. Pour cette raison, chaque fromage d’alpage a son propre goût et ne ressemble à aucun autre.

Pour le fromage d’alpage, le lait du soir, stocké et réfrigéré durant la nuit, est mélangé avec le lait frais du matin. Le lait du soir est écrémé de manière à obtenir une forte teneur en matière grasse. Cela signifie que la masse sèche du fromage d’alpage devrait atteindre une teneur en graisse de 45% au minimum.

Avec les prochaines étapes de production, les bases qui font du fromage d’alpage bernois un fromage à pâte dure sont posées. Ce dernier ne pourra être fabriqué que si on extrait le lait de la grande teneur en eau qui représente 87% du fromage. La base se trouve dans le processus de présure. La culture lactique et la présure (une enzyme provenant de l’estomac des veaux) sont ajoutées au lait de cuve à une température de 32° C. Le caillé est obtenu après 30 à 35 minutes de coagulation. Ce lait caillé se sépare en petit-lait liquide et en grains de fromage contenant principalement des matières grasses et des protéines. Pour extraire du liquide de ces grains de fromages, le fromager les découpe à l’aide d’un tranche-caillé pour obtenir une masse de la taille d’une tête d’épingle.  Le caillé est ensuite brassé sans discontinuer à une température de plus de 50° C pour que les grains se resserrent. Cette méthode a, en même temps, une influence sur la culture des bactéries. Seules celles qu’on souhaite garder pour la fabrication du fromage d’alpage bernois survivent à cette haute température. Ce sont ces bactéries-là qui permettent ensuite au fromage de développer ce caractère typique.

Dans l’étape suivante, le fromager transfert les grains dans un moule à fromage rond appelé aussi Järb (éclisse de bois). Sous la pression du poids de la presse, durant au minimum 15 heures, le reste du petit-lait s'écoule – il s’agit aussi là d’un procédé d’extraction du liquide.  Pendant ce temps, le processus de fermentation du lactose est aussi actif. Après le pressage, les meules de fromage sont plongées dans un bain de saumure durant 24 heures. Le sel est dissout par l’humidité, puis se fixe sur les bords du fromage; c’est la croûte qui se forme. Le sel pénètre gentiment à l’intérieur de la meule et agit comme exhausteur de goût. Pour le fromage d’alpage bernois, une seule journée dans un bain de saumure ne suffit pas à lui donner une saveur salée suffisamment prononcée. 

Enfin vient le moment de l’affinage. Les fromages sont conservés et affinés dans la fromagerie d'alpage jusqu'à la fin de la saison des alpages, puis dans la vallée, dans les caves des acheteurs ou dans un entrepôt central de stockage des fromages. Il s’agit en fait de trouver les conditions idéales pour que les bactéries lactiques développent les protéines et acides lactiques en petites substances aromatiques qui donneront ensuite sa saveur piquante et épicée typique au fromage d’alpage bernois. La température de la cave ne doit pas dépasser 18° C. Les risques encourus sont la formation de trous dans la pâte ou que l’amertume n’entrave sa saveur. Un taux d’humidité de plus de 85% est aussi nécessaire, la maturation du fromage étant fortement influencée par les conditions externes. A l’aide d’une brosse et d’eau salée, on frotte les meules de fromage frais pour favoriser le développement de la flore naturelle. Cette flore est composée de bactéries, de levures et de moisissures.  Cette flore réduit l’acide lactique, favorise le développement d'arôme et de saveur, aide à la formation de la  croûte avant le moulage et protège d'autres micro-organismes indésirables.

Après un examen approfondi, seuls les fromages d’alpage bernois ayant obtenu la meilleure note de qualité seront sélectionnés pour devenir des fromages à rebibes. Les meules choisies sont encore affinées pendant plus d’une année dans des conditions tout à fait différentes. Plus besoin de frotter la croûte. Le séchage des meules se fait à une température maximale de 20° C et un taux d’humidité n’excédant pas 70%. Avec le temps, des grains de sel se forment très distinctement. Ils proviennent de la dégradation constante des protéines. Le fromage se met alors à transpirer. Une partie des graisses s’évapore et forme un film naturel étanche autour de la croûte. La maturation n’est plus influencée par les conditions externes. Après deux années, le processus d’affinage du fromage à rebibes est terminé. Pour un gain de place, les meules sont placées à la verticale dans la cave de stockage.

Consommation

Le fromage d’alpage bernois se déguste en tranches. Le fromage à rebibes, plus sec et cassant, est raboté en rebibes à l’aide d’une râpe spéciale; il est souvent présenté sous forme de petits rouleaux et se consomme avec un verre de vin, à l’apéro ou après le repas. Depuis peu, il se sert aussi en morceaux.

Importance économique

Ce sont environ 560 fromageries d’alpage de l’Oberland bernois, de l’Emmental, des cantons de Vaud et de Lucerne, qui produisent chaque été quelque 1'000 tonnes de fromages d’alpage. En comparaison, pour l’année 2007, 31'000 tonnes d’Emmental avaient été fabriquées.

Les fromagers d’alpage vendent et commercialisent eux-mêmes entre 75 et 80% de leur production annuelle. Le reste est livré à diverses sociétés commerciales. C’est une procédure tout à fait habituelle pour les fromages d’alpage. La plupart sont vendus ou commercialisés par des associations ou sociétés commerciales qui stockent également après quelques semaines les meules dans leurs dépôts pendant le processus de maturation. Dans l’Oberland bernois, la majorité des producteurs gardent leurs meules dans leurs propres caves. Il arrive aussi qu’ils les vendent à des fromageries ou laiteries locales qui se chargent elles aussi de la maturation.

Environ un tiers des fromages d’alpage sont transformés chaque année en fromages à rebibes.

Sources

  • Schweizerisches Idiotikon. Wörterbuch der schweizerdeutschen Sprache,   Staub, Friedrich et al..  
  • Roth, Alfred G.,   Der Sbrinz,   Burgdorf,   1993.  
  • Die Alpkäserei und die Geschichte des Schweizer Käses,   Schweizerische Käseunion,   Bern,   1995.  
  • Schnieper, Robert,   Unser Käse. Ein Stück Schweiz,   Mondo Verlag,   Vevey,   1995.  
  • Wyss, Joh Rud,   Geographisch-statistische Darstellung des Cantons Bern (Gemälde der Schweiz),   Orell Füssli Verlag,   Zürich,   1819 - 1822.  
  • http://www.aoc-igp.ch/produits.php?prod=8&l=fr,   2018.  
  • Gutzwiller, Karl,   Die Milchverarbeitung in der Schweiz und der Handel mit Milcherzeugnissen,   Buchdruckerei Kühn & Comp.,   Schaffhausen,   1923.  
  • AOC,   AOC-Pflichtenheft Berner Alpkäse / Berner Hobelkäse,   Bundesamt für Landwirtschaft,   2004.  
  • © Schweizerische Vereinigung der AOP-IGP,   Foto Berner Alp- und Hobelkäse.  
  • https://www.casalp.ch/,   Mai 2017.  
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Epicentre de production

Oberland bernois. Le fromage d’alpage bernois et le fromage à rebibes bernois peuvent également être fabriqués dans les Alpes de l’Emmental et dans des communes éparses des cantons de Lucerne et Vaud.

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