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Berner Zungenwurst (IGP)

Berner Zungenwurst (IGP)

En bref

La Zungenwurst bernoise (saucisse de langue) est une saucisse à base de viande de porc et de bœuf, de lard et d’épices, dont la particularité est sa chair grossière. Le poids de cette saucisse très rectiligne oscille entre 250 et 500 g.

Cette saucisse de langue est principalement produite dans le canton de Berne, mais certaines boucheries dans d’autres cantons en commercialisent également. D’autre part, elle est surtout consommée dans le canton de Berne.

Contrairement à ce que son nom indique, la saucisse de langue ne contient pas de langue.

Depuis 2019, la Zungenwurst bernoise est inscrite au registre fédéral des appellations d'origine et des indications géographiques comme indication géographique protégée (IGP).

Description

La Zungenwurst bernoise est une saucisse échaudée faite à base de deux chairs différentes. Cette saucisse très droite se décline en plusieurs longueurs et pèse entre 250 et 500 g.

Variantes

Il existe une version crue de la saucisse de langue bernoise. Mais elle est peu produite. Selon les bouchers, elle est introduite dans un boyau naturel ou artificiel.

Ingrédients

Viande de porc et de bœuf, lard du cou, poivre, macis, noix de muscade, coriandre, cumin. Les épices varient selon les bouchers.

Histoire

La plus ancienne citation dans laquelle on en parle se trouve dans un livre de cuisine bernois édité en 1835. Etant donné qu’elle figure dans l’assortiment du typique plat bernois, il se pourrait que son apparition remonte à plus loin. Ce plateau bernois presque légendaire est réputé depuis plus de 200 ans – dans tous les cas c’est ce qui se dit. Aucune preuve historique ne confirme pourtant les deux histoires qui suivent.

La première raconte que le 5 mars 1798, alors qu’à Neuenegg, les soldats bernois ont réussi à repousser les français de l’autre côté de la Singine, leurs épouses ont souhaité mettre quelque choses de consistant dans leur assiette. Chaque femme fouilla dans ses provisions. Le résultat est ce qu’on trouve encore aujourd’hui dans le plat bernois. Pour que toutes les assiettes soient garnies avec des parts égales, chaque morceau était coupé de la même grandeur et déposé sur les légumes.

La seconde histoire viendrait d’une bataille : en 1712, les troupes bernoises, principalement des hommes du canton de Vaud, reprirent le chemin de retour chez eux, après la victoire de la Bataille de Villmergen. Une des troupes s’arrêta à l’Auberge de l’ours près de Koppigen. Un des officiers qui ne parlait pas l’allemand, tenta tant bien que mal de se faire comprendre par l’aubergiste qui lui ne parlait pas français. Il usa de ses mains et de ses pieds pour passer sa commande. L’officier de poursuivre dans son jargon : «Bernois ... sont ... plat, ont faim !». L’aubergiste comprit «Berner … Platte …, fein» ! Il déposa donc sur la table ce qui venait d‘être commandé.

La preuve de l’existence du plat bernois est faite pour la première fois par Alex Buchhofer dans les années 1900 dans l’intitulé : «Garniture bernoise : belle choucroute garnie de tranches de Zungenwurst et de morceaux d’oreilles et de museaux de porc salés, servis ensemble ou séparément».

Mais comment en est-on arrivé à lui donner ce nom de saucisse de langue ?

Plusieurs théories sont évoquées. Une des explications provient d’un boucher et saute aux yeux lorsque l’on coupe la saucisse. Elle ressemble à une langue : elle brille légèrement et sa surface est irrégulière comme une langue. Une seconde explication, plus invraisemblable, vient d’un boucher de Büren sur l’Aar. Il prétend que le nom remonte à l’Ancien Régime (jusqu’en 1798), lorsque le canton de Vaud était sous l’emprise de Berne. Les frontières actuelles n’existaient pas encore. Le français, qui était alors la langue des classes supérieures, était parlé dans les deux zones. Contrairement au saucisson vaudois, la saucisse bernoise contenait aussi une chair fine. On donna alors le nom de « Zungenwurst », donc saucisson à la mode bernoise, qui devint par la suite « saucisse de langue bernoise ».

Mais la raison la plus vraisemblable est certainement qu’à l’époque, la Zungenwurst devait contenir de la langue. En effet, dans le livre de cuisine bernois de 1835, une recette mentionne «3 à 4 petites langues de porcs» dans les ingrédients. Si on étudie bien la recette et qu’on la compare avec la recette d’aujourd’hui, les différences sont évidentes. Par exemple on peut lire « autant de viande tendre, émiettée de la même façon », deux oreilles de cochon finement coupées en lanières et des morceaux de lard. Le tout était assaisonné avec du sel et du salpêtre, mélangé et fourré dans une vessie de veau. Cette saucisse était « marinée », cela sous-entend qu’elle était trempée dans un bac de saumure, puis fumée durant quelques jours. 

Mais comment expliquer la grande différence avec la recette d’aujourd’hui ? L’historien François de Capitani explique que la réponse se trouve justement dans le livre de cuisine. Cet ouvrage standard était très réputé. Dans la chronologie des recettes, la Zungenwurst suit la Hammenwurst et cette dernière ressemble beaucoup à la Zungenwurst d’aujourd’hui. Sa théorie est donc que le nom provient de la Zungenwurst et la recette de la Hammenwurst. Une autre citation du livre confirme cette théorie : « Et on procède de la même manière pour la Hammenwurst que pour la Zungenwurst » (Réédition 1835 et tous les tirages suivants).

Production

La Zungenwurst bernoise est faite à base de deux sortes de chair différentes. La chair la plus fine représente un quart du volume total de la saucisse. Pour sa préparation, le boucher n’utilise que de la viande refroidie de bœuf et de porc, ainsi que du lard du cou, le tout en partie surgelé. Il incorpore ces ingrédients dans la cuve de la machine à « blitzer » et ajoute régulièrement des glaçons. Puis, il assaisonne cette masse avec un mélange d’épices qu’il prépare spécialement pour chaque production de saucisses. Sitôt après, il rajoute une portion de glace. Pour terminer, il incorpore le lard, environ 2 à 3 parts de la taille d’une main. Entre-deux, le boucher arrête sa machine et rassemble sa préparation avec un racloir. A ce stade, le thermomètre indique 15° C alors qu’au début de l’opération, la température était de 10° C. Pour terminer, le boucher ralentit la machine et lorsqu’elle s’arrête, il rassemble la chair en une boule avec les mains et la dépose dans un conteneur en plastique. L’expérience du boucher sert essentiellement dans l’évaluation de la qualité de la chair : Comment est l’éclat de la chair ? Quel est son goût ? Quelle consistance à la chair entre les mains, entre les doigts ? Comment s’est faite la liaison de la chair dans le bol ?

 

Pour la préparation de la chair plus grossière, il dépose de l’épaule de porc salée et poivrée dans le boisseau. Au préalable, il a dénervé l’épaule et retiré la graisse et le cartilage. Il laisse alors mariner la pièce 3 à 4 jours pour que le sel pénètre bien.

Après ces différentes étapes, il met les deux préparations de chair dans la machine à pétrir où elles sont malaxées 5 minutes sous vide.

Entre-temps, le boucher prépare les intestins dans lesquels la chair sera poussée. Ce sont des intestins de fibres de peau, faciles à stocker car ils sont secs, c’est pourquoi il est nécessaire de les mettre à tremper dans un bain d’eau salée avant de les utiliser. Le boucher retire alors la chair de la machine et l’introduit dans l’entonnoir du tube à saucisses. La chair à saucisses est alors poussée dans l’intestin et le boucher noue les extrémités une à une avec un clip.

Le boucher prend ensuite un tout petit outil, c’est un morceau de bois de la taille d’un pouce sur lequel se trouvent 4 aiguilles. Il l’utilise pour piquer 5 à 6 fois chaque extrémité de saucisses. Il s’assure ainsi qu’il ne reste plus d’air à l’intérieur du produit.

Les saucisses sont suspendues par 8 sur une barre en bois allant dans le fumoir. Le fumoir était déjà en activité du temps de son grand-père, dans les années 1940. Le boucher installe ses barres en quinconce de manière à ce que la fumée circule bien autour de chaque saucisse. Le fumoir peut contenir jusqu’à 30 kg de saucisses, cela représente environ 100 saucisses de langue bernoise. Avec cette disposition, le boucher s’assure que chaque pièce est parfaitement fumée, que sa coloration est belle et son goût correspond à ses attentes.

Le fumoir est mis en route l’après-midi. On répand la sciure sur le sol, pour qu’elle entre en contact avec le brûleur à gaz. Le feu est éteint après 2 heures, lorsque la braise est régulière. La température du fumoir ne doit pas dépasser 40° C. Entre-temps, c’est déjà la fin de l’après-midi et les saucisses vont rester suspendues ainsi jusqu’au lendemain matin vers environ 7 heures. Mais attention : la météo influence la durée de fumage. Selon le temps qu’il fait, la fumée circule plus ou moins bien dans la cheminée. Parfois il est nécessaire de prolonger la durée de fumage. Il arrive également que le boucher doive rajouter un peu de sciure pour obtenir le résultat escompté.  De la même façon, l’expérience du boucher lui permet de juger parfaitement quand il est utile d’ouvrir la porte pour améliorer la circulation d’air ou au contraire éviter que de l’humidité n’entre durant le processus. D’où l’expression : le fumage est un art !

Les Zungenwurst sont également suspendues entre 6 et 7 jours dans le fumoir de la cuisine où la température est plus basse et oscille entre 20 et 25° C.

Après la phase de fumage, les saucisses sont échaudées durant 40 minutes dans une bouilloire à une température de 72° C. Après quoi elles sont mises à sécher durant 20 minutes dans une auge. Il vaut la peine de bien respecter ce temps de séchage, car grâce à un bon séchage, elles conservent mieux leur belle couleur dorée. Une fois les saucisses bien sèches, elles sont trempées dans une cuve en acier remplie d’eau froide et elles y restent durant 30 minutes. Ensuite elles sont entreposées dans une pièce froide où elles s’égouttent avant d’être enfin emballées.

Consommation

A l’époque, la Zungenwurst était souvent consommée pour les occasions spéciales comme les mariages, les baptêmes, la Fête des moissons et Nouvel-an. C’est ainsi que lors du Jubilé des 700 ans de la fondation de la ville, 259 kilos de saucisses de langue furent consommés. Le boucher confirme qu’aujourd’hui encore, il se consomme plus de saucisses dans les régions campagnardes que dans les villes. La cuisine du terroir est plus présente dans les campagnes.

Aujourd’hui, la Zungenwurst est consommée toute l’année, mais plus spécialement en hiver tout de même. Il est conseillé de laisser la saucisse dans son emballage plastique et de l’échauder dans l’eau frémissante. Elle conserve ainsi toute sa saveur. Bien entendu, on peut la réchauffer dans la soupe ou directement sur les légumes, mais alors sans son emballage. Elle convient parfaitement avec les haricots secs, les lentilles, la choucroute, les poireaux ou encore les navets. Une autre manière d’apprêter la saucisse à la langue est de l’emballer dans une pâte feuilletée, pâte à pain ou à tresse. On enfourne le tout durant 45 minutes dans un four préchauffé à 180° C et on obtient une excellente saucisse en croûte qu’on accompagne d’une salade.

Elle est également très appréciée froide.

Certains bouchers la vendent même crue. En la laissant sécher à l’air durant un mois à une température entre 0 et 10° C, elle se conserve facilement durant 6 mois et peut être consommée crue. C’est d’ailleurs ainsi que cela se pratiquait jusque vers 1960, avant que chaque ménage ne possède son propre réfrigérateur. Mais là aussi, le climat revêt toute son importance, car dans les immeubles modernes d’aujourd’hui, la température est souvent trop élevée.

La taille des saucisses a évolué en fonction de la demande de la clientèle. Depuis au minimum deux générations, elles sont disponibles en différentes grandeurs. Comme cette boucherie est active depuis deux générations, cette évolution peut se perpétuer. Alors que du temps de son père, la préférence allait aux grandes saucisses, aujourd’hui le boucher vend plutôt de petites pièces. La principale explication réside dans le fait que les familles d’aujourd’hui sont plus petites.

Importance économique

Depuis que le boucher interrogé a remporté la médaille d’or pour sa Zungenwurst bernoise et que les médias ont largement diffusé l’information, la clientèle se presse à sa porte.

... et enfin

Les bernois domiciliés à Berlin peuvent désormais s’abstenir d’emmener leur « panier maison », car une grande enseigne de boucherie de la ville de Berne a découvert le marché berlinois et commercialise là-bas la Zungenwurst bernoise sous l’appellation «saucisse de montagne».

Sources

  • von Gunten, Fritz,   Alles ist Wurst. Auf dem Wurstweg durch die Schweiz,   Bern,   2006.  
  • Jaggi, Fritz und Adolf Loepfe,   Schweizerisches Metzgereigewerbe I. Teil. Sammlung von über 150 Rezepten und Anleitungen für die Wursterei,   Zürich,   1935.  
  • Fachbuch für das Metzgereigewerbe (Band II),   Ott Verlag / Verband Schweizer Metzgermeister,   Thun,   1960.  
  • Rytz, Lina,   Neues Berner Kochbuch,   Bern,   1835.  
  • Hobmeier, Elsbeth,   Edles aus heimischer Scholle. Spezialitäten und ihre Produzenten aus dem Schweizer Mittelland,   Berner Zeitung,   Wabern,   2006.  
  • Schweizer Würste, Saucisses suisses. Fachinformationen und Rezepturen,   Schweizerischer Fleisch-Fachverband SFF,   Zürich,   2006.  
  • Künzi-Mosimann, Alice,   Alte Emmentaler Rezepte. Kochen wie zu Gotthelfs Zeiten,   Olten,   2004.  
  • Die 700jährige Gründungsfeier der Stadt Bern, 1191-1891 : Festbericht / hrsg. vom Organisations-Komitee,   Bern,   1891.  
  • Der Bund,   Bern (?),   03.02.1996.  
  • Fleisch und Wurst. Wissenswertes über Fleisch und Wurst. Präsentiert in 56 Farbfotos, 140 Rezepten und vielen Varianten.  
  • Buchhofer, Alexander,   Handbuch der Berner Kochkurse für Frauen und Töchter,   Bern,   1900.  
  • www.meinen-bern.ch,   Mai 2017.  
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Epicentre de production

Principalement dans les boucheries du canton de Berne, éventuellement aussi dans d’autres cantons.

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