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Eau-de-vie de poire à botzi / Poire à Botzi (AOP)

Eau-de-vie de poire à botzi / Poire à Botzi (AOP)

En bref

L'eau-de-vie de poire à botzi est une eau-de-vie blanche élaborée à partir d'une variété typique de poires du canton de Fribourg. Dans ce canton, l’attachement envers la poire à botzi n’est pas proportionnel à son importance économique: celle-ci est en effet intimement liée au repas de la Bénichon, traditionnel festin qui marque la fête la plus importante du canton de Fribourg. Elle fait ainsi partie intégrante de l'identité culinaire fribourgeoise, alors même que les quantités produites sont faibles.

Le terme "botzi", transposé du patois fribourgeois, signifie "grappe" ou "bouquet", s’agissant d’une poire qui, fait exceptionnel, pousse en grappes. On nomme d’ailleurs cette poire "Büschelibirne" dans les districts alémaniques du canton. La poire à botzi est inscrite au registre fédéral des Appellations d’origine protégée (AOP) depuis 2007. Un cahier des charges déposé à l’Office fédéral de l’agriculture décrit les exigences à respecter pour bénéficier de l’Appellation.

Description

L'eau-de-vie de poire à botzi est une eau-de-vie blanche élaborée à base de poires à botzi. Le fruit qui en constitue la base est une petite poire de forme ronde  (calibre de 40 à 55 mm), présentant une légère cavité autour de la queue. Sa peau prend des teintes allant du vert au rouge-brun, avec des joues rouges et de nombreuses lenticelles. La queue est moyennement longue et moyennement forte. Le cœur est petit, tout comme les pépins. Quant à la chair, elle est claire à jaune foncé, croquante, moyennement ferme et plutôt juteuse.

 

Ingrédients

Poires à botzi.

Histoire

Selon Le patrimoine fruitier de Suisse romande de Bernard Vautier, "la poire à botsi est ainsi nommée pour la première fois en 1744 à Fribourg." Ses origines ne sont pas connues. On n’a pas de raison d’accorder foi aux affirmations selon lesquelles la poire à botzi aurait été ramenée de Naples en Suisse il y a 300 à 400 ans de cela par des mercenaires. De même, l’origine bernoise qui lui est parfois attribuée (on l’appelle encore "poire de Berne") n’est pas attestée dans l’état actuel des connaissances.

Tout au long du 19ème siècle, on trouve dans diverses sources écrites des mentions de la poire à botzi, déclinées sous des noms différents: "botzi", "bozy" ou encore "botzet". L'Enquête fruitière en Suisse romande de 1924 précise que "la poire à botzi, ou Botzi blanc, est très répandue en territoire fribourgeois." Jusqu’au milieu du 20ème siècle, de nombreux paysans en gardent un ou plusieurs arbres pour la confection de vin cuit (raisinée) ou pour le repas de Bénichon; mais pour la culture, on lui préfère d'autres variétés plus productives, sachant que le poirier à botzi ne produit qu'une fois tous les deux ans. Ce n'est que dans la seconde moitié du 20ème siècle que la culture de poires à botzi prend son essor, avec le développement des cultures basses tiges. Grâce à ces dernières en effet, on peut mieux lutter contre les vers, les maladies et les virus, auxquels le poirier à botzi est très sensible.

On ignore à quand remontent les premières distillations de poires à botzi. La fabrication d’eaux-de-vie de fruits s’est généralisée il y a environ deux cents ans en Suisse; nul doute que les poires à botzi, facilement distillables, ont rapidement été utilisées de la sorte. Pour autant, les différentes sortes de poires étaient alors certainement mélangées; la production systématique d'eau-de-vie élaborée uniquement à base de poires à botzi ne doit pas être antérieure au 20ème siècle.

Production

Les poiriers basses tiges sont obtenus par greffage de rameaux sur un cognassier (Cydonia oblonga). Ce mode de culture est appelé "haie fruitière". La densité maximale de plantation admise pour ce mode de culture est de 1250 arbres par hectare selon le cahier des charges AOC. En hautes tiges, le nombre est limité à 100 arbres par hectare mais il n'existe, à l'heure actuelle, aucun verger hautes tiges, ce mode de production ne permettant pas d’obtenir une qualité constante. Les arbres hautes tiges se trouvent généralement dans les vergers de paysans, en arbres isolés. Ils ne font donc pas l'objet d'une culture professionnelle.

Les branches du poirier à botzi poussent vers le haut puis s'arquent une fois chargées de fruits.

La récolte s'effectue de début août à mi-septembre, selon l'altitude. Les fruits ne sont cueillis qu'une fois mûrs, à la main. Les calibres admis pour les fruits destinés à la vente se situent entre 40 et 55 mm. Il s'est souvent dit, et se dit encore, qu'il existe plusieurs types de poires à botzi: les blanches, les jaunes ou les rouges. Une étude menée en 1988 par l'association Fructus, en collaboration avec le jardin botanique de Fribourg a toutefois démontré que, du point de vue botanique, il n'existe qu’une variété. La couleur du fruit varie en fonction de l'âge de l'arbre, du type de porte-greffe, du type de sol, de l'emplacement, de l'altitude, etc.

La poire à botzi est commercialisée sous forme de fruits frais ou en conserve. Dans ce dernier cas, les poires sont cuites dans un jus sucré à base de vin, de sucre et de cannelle puis stérilisées dans des bocaux ou dans des sachets plastiques mis sous vide.

Pour la fabrication de l'eau-de-vie, les fruits, une fois mûrs, sont mis à fermenter en fûts. Ils sont écrasés ou broyés en purée afin d'en extraire le jus, ce qui permettra d'éviter que les fruits ne moisissent au lieu de fermenter. On peut ajouter un peu de levure pour activer la fermentation mais ce n'est pas indispensable. Une fois la fermentation terminée, les fûts qui ne sont pas distillés immédiatement sont complétés et fermés hermétiquement. L'anaérobie permet en effet de stopper le processus de fermentation, et donc de conserver les fruits.

Lors de la distillation, la purée de fruits est versée dans la cuve de l'alambic qui sera ensuite chauffée. Les vapeurs, formées d'alcool et d'eau, s'échappent par un tuyau situé au sommet de la cuve appelé "col de cygne". Elles arrivent ensuite dans la colonne de refroidissement, constituée d'un tube en spirale plongé dans une cuve d'eau froide, qui permet la condensation des vapeurs. La tête de distillation (premier alcool obtenu) est récoltée séparément et est redistillée. Il en va de même pour la queue de distillation, c'est-à-dire tout l'alcool qui s'écoule à partir du moment où le taux d'alcool est jugé trop bas par le producteur. En effet, au début de la "cuite", le taux d'alcool est situé dans les 80% vol. puis il diminue progressivement. Lorsqu'il est trop bas, le goût et l'odeur deviennent désagréables. Il n'existe toutefois pas de limite précise entre tête, cœur et queue de distillation. Elle est donc laissée à l'appréciation du producteur.

Une fois la distillation terminée, l'eau-de-vie est aérée en cuve afin de supprimer les flegmes. Elle est ensuite embouteillée avant d'être commercialisée.

Consommation

La poire à botzi se consomme comme poire de table ou en conserve, comme dessert ou comme en cas. On en fait également un vin cuit très apprécié car particulièrement doux et sucré.

On ne peut parler de la consommation de la poire à botzi sans mentionner le ragoût d'agneau aux poires (à botzi, bien entendu) qui fait partie du menu traditionnel de la Bénichon, fête catholique fribourgeoise à l'occasion de laquelle un festin pantagruélique est préparé.

On peut également les utiliser pour confectionner des glaces, des gâteaux et de nombreuses autres douceurs. Quant à l'eau-de-vie, elle est surtout consommée comme digestif, à l'instar des autres eaux-de-vie de fruits. On peut également l'utiliser pour la confection de desserts, en arrosant une boule de glace, par exemple.

Importance économique

En 2007, le canton de Fribourg comptait 3’396 poiriers à botzi répartis entre 17 producteurs, ce qui représente une surface cultivée de 4,25 hectares. S'y ajoutent deux producteurs hors canton de Fribourg mais situés dans la zone AOP totalisant une surface de 0,8 hectare. Il existe enfin quatre producteurs hors zone AOP cultivant 0,42 hectare.

... et enfin

En fruit frais, le parfum de la poire à botzi est caractérisé par la présence de notes vertes (vert pomme et faiblement "herbe coupée"), de fruits fermentés (moût de pomme et, dans une moindre mesure, poire acidulée) ou de fruits mûrs en combinaison avec des notes cuites et caramélisées (compote et sucre brûlé); on relève aussi une fine et agréable note de vanille. Sa saveur se caractérise par une douceur assez prononcée, une acidité d'intensité faible à moyenne et une légère amertume. Quant à la texture, elle est granuleuse, parfois légèrement farineuse. Au nez, l'eau-de-vie a l'odeur typique de la poire à botzi, en particulier les notes d'herbe fraîchement coupée, de menthe et de réglisse. En bouche, on lui reconnaît des arômes prononcés de poire séchée, de fleurs de foin, de bois de résineux et de caramel. (La poire à botzi AOP, une spécialité fribourgeoise).

La Bénichon a été et reste une fête d’une grande importance dans le canton de Fribourg. Son nom vient du latin benedicto, bénédiction en Français. Célébrée à l’origine dans chaque paroisse du canton, le jour de la dédicace de l’église paroissiale, elle était souvent l’occasion de grandes réjouissances. Les premières attestations de cette fête remontent au 15ème siècle, alors que Leurs Excellences de Fribourg décident de réprimer les "débordements" qui accompagnent la fête. "Les" Bénichons sont dès lors réglementées et concentrées à l’orée de l’automne, et "La" Bénichon devient la fête des récoltes et de la désalpe.

Le repas de Bénichon se déroule comme suit: vient d’abord la cuchaule* accompagnée de beurre et de moutarde de Bénichon*. Le bouillon et le bouilli de bœuf sont servis ensuite, puis le ragoût d’agneau aux raisins accompagnés de purée de pommes de terre et de poires à botzi*. Arrivent alors les délices de la borne (jambon* et saucisson*) accompagnés de choux et de haricots. Puis le gigot d’agneau à l’ail accompagné d’une purée de pommes de terre et d’une salade aux carottes rouges. Pour le dessert, on sert de la crème double* en baquet accompagnée de meringues*, ainsi que des beignets de Bénichon*, des bricelets*, des pains d’anis*, des croquets* et des cuquettes*.
Les produits marqués d’un * font l’objet d’une description détaillée dans l’Inventaire du patrimoine culinaire suisse.

Sources

  • Vauthier, Bernard,   Le patrimoine fruitier de Suisse romande,   Vauthier, Bernard,   Bôle,   2004.  
  • Union fruitière fribourgeoise,   Demande d'enregistrement AOC: Poire à Botzi fribourgeoise,   Grangeneuve,   1999.  
  • Cahier des charges AOC: Poire à Botzi,   2005.  
  • Faes, Henri et al.,   Enquête fruitière en Suisse romande : l'étude des fruits à cidre 1921-1923,   Station fédérale d'essais viticoles,   Lausanne,   1924.  
  • © Terroir Fribourg,   Photo poire à Botzi AOP.  
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Epicentre de production

Canton de Fribourg et quelques communes vaudoises et bernoises comprises dans la zone AOC.

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