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Saucisse aux racines rouges / Randenwurst

F Saucisse aux racines rouges, saucisses de ménage; D (Saaser) Randenwurst, Hauswurst.

Saucisse aux racines rouges / Randenwurst

En bref

La saucisse aux racines rouges (betteraves rouges) est sans doute la plus originale des petites saucisses sèches valaisannes, et celle qui donne lieu aux histoires et légendes les plus plaisantes. Connue et appréciée dans tout le Valais, elle reste pourtant identifiée comme une saucisse typiquement haut-valaisanne. La tradition populaire la rattache plus particulièrement à la vallée de Saas, qui en est peut-être l’épicentre historique.

Description

Saucisses sèches crues embossées en général en menus de mouton (ou boyau synthétique équivalent): longueur 15 cm, calibre 20-22 mm, poids 50-60 g.

Variantes

On trouve aussi dans la Vallée d’Aoste (Italie) des saucisses aux racines rouges. Celles-ci contiennent en général une proportion de racines rouges plus élevée que leurs équivalentes valaisannes.

Ingrédients

Ingrédients de base: viande de bœuf (quartiers de devant), viande de porc, lard de dos, sel, poivre, épices, ail (parfois macéré dans du vin rouge), vin blanc ou rouge. Les proportions sont très variables et dépendent de la recette de chaque boucher. Autres ingrédients: légumes (principalement racines rouges, choux, poireaux, oignons, pommes de terre). 

Histoire

Les premières attestations écrites, mais aussi des témoignages oraux, permettent d’attester avec certitude de la fabrication de saucisses en Valais au début du 20ème siècle. Elle est vraisemblablement plus ancienne, mais il est difficile de trouver des informations antérieures pour un produit longtemps resté domestique, et qui n’est pas assez important dans l’économie locale pour avoir laissé beaucoup de traces écrites. 

Sans prendre position sur le fond, on peut rapporter une tradition orale encore vivace en Valais, selon laquelle les paysans de la vallée de Saas étaient autrefois non seulement pauvres mais aussi particulièrement avares. Les légumes remplaçant avantageusement une viande qui souvent pouvait manquer, les bons mots ne manquaient pas pour se moquer d’une saucisse contenant une si forte proportion de racines rouges. "Si on plante une saucisse de Saas, elle pousse!"-"Si un boucher de Saas met un morceau de viande dans sa machine à saucisses, elle s’arrête!"-"Un boucher de Saas a une recette pour fabriquer 100 saucisses. Une fois la fabrication terminée, il n’en compte que 99. C’est alors qu’il remarque qu’il a oublié la viande!".  

A l’heure actuelle, on ne comprend plus ces plaisanteries si l’on ne se souvient pas d’une distinction aujourd’hui estompée entre saucisses grasses et saucisses maigres. Les premières, composées essentiellement de chair et de lard, séchées, étaient particulièrement recherchées car plus savoureuses. Et les saucisses maigres, saucisses de pauvres, étaient essentiellement composées d’abats et des légumes disponibles au moment où l’on "tuait le cochon": choux, poireaux, racines rouges (betteraves rouges), oignons. Les saucisses maigres, et pas seulement celles de Saas, n’avaient donc pas très bonne réputation. Dans un canton fortement marqué par la religion catholique, qui imposait de "faire maigre" les vendredis et en période de Carême, on disait par plaisanterie que manger ces saucisses n’était pas manger de la viande, puisqu’elles contenaient essentiellement des légumes!  

En Valais, le lard et toutes les viandes étaient séchés: la saucisse grasse a donc dû être, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, moins fabriquée que la variante maigre. La tendance s’est ensuite inversée, avec la plus grande disponibilité des viandes de porc grasses: désormais toutes les saucisses sont grasses, en des proportions diverses il est vrai. La tradition de mettre des légumes dans les saucisses, pratique héritée des saucisses maigres, a été reprise dans les saucisses grasses et sèches; les légumes sont appréciés aujourd’hui pour leur goût et non plus pour "allonger" la saucisse.

Production

Aujourd’hui, de multiples variantes locales se distinguent autant par les morceaux utilisés que par l’adjonction d’ingrédients divers. A partir de la base commune que constitue le séchage, chaque boucher peut laisser libre cours à son imagination, stimulée par les goûts des consommateurs locaux. Ceux-ci en restent les principaux destinataires, les saucisses aux racines rouges étant appréciées essentiellement dans le Haut-Valais et peu distribuées en dehors du canton.  

La chair à saucisses est généralement composée d’environ 50% de viande de bœuf (viande maigre, "tombées" issues du désossage des cuisses), 20% de viande de porc (tombées également), 15% de lard (poitrine de porc ou lard de dos) et 15% de légumes divers. Du côté des légumes, on utilise bien entendu une proportion plus ou moins importante de betteraves rouges, préalablement cuites. Certains bouchers travaillent avec des paysans de la région qui leur livrent les légumes de saison. D’autres se fournissent en légumes congelés auprès d’entreprises spécialisées. Du jus ou de l’extrait de betterave peuvent également remplacer les légumes entiers. Les bouchers complètent habituellement la pâte à saucisses avec des pommes de terre, du poireau, des oignons, parfois du fenouil ou du chou. Betteraves rouges et pommes de terre sont cuites à l’eau, les autres légumes sont généralement incorporés crus.  

Viandes et légumes sont d’abord hachés finement avant d’être mélangés aux différentes épices dans un pétrin mécanique. Là encore, les recettes varient. Poivre et sel restent incontournables et sont complétés selon les goûts de l’artisan avec de l’ail, de la marjolaine, de la coriandre, du thym, de la cannelle, du vin rouge, … La chair à saucisses pétrie est ensuite introduite dans des boyaux au moyen d’un poussoir, et chaque saucisse est fermée en tournant plusieurs fois le boyau sur lui-même. Les boyaux, autrefois naturels, sont aujourd’hui pour la grande majorité artificiels (collagène) et calibrés.   

La saucisse sèche peut maturer dans les mêmes conditions que la viande séchée ou du jambon sec, mais ce n’est pas obligatoire. Dans tous les cas, elle est ensuite séchée dans des conditions similaires à celles de la viande séchée et le jambon sec. En fabrication professionnelle le séchage a lieu sous atmosphère contrôlée, de préférence à moins de 15°C et avec une hygrométrie relative avoisinant les 80%. Bien qu’elle se recouvre au cours du séchage des mêmes moisissures nobles que la viande séchée, la saucisse aux racines rouges est en général essuyée avant d’être offerte au consommateur, pour des raisons esthétiques.

Consommation

Les saucisses sèches sont un produit de consommation courante en Valais, elles sont mangées crues, en casse-croûte principalement, accompagnées de pain. On les trouve parfois aussi en bonne place, coupées en fines rondelles (2-3 mm) sur l’emblématique assiette valaisanne. La composition de l’assiette valaisanne a été soigneusement codifiée par les cafetiers-restaurateurs valaisans : viande séchée (40 g), jambon cru (40 g), lard séché (40 g), Raclette (20 g), et éventuellement saucisses sèches, cornichons et oignons, beurre.  

Les saucisses aux racines rouges peuvent également être consommées fraîches (non-séchées) et cuites, comme c’est le cas par exemple dans le "Gsottus", potée typique du Haut-Valais à base de choux et de plusieurs sortes de viande (bœuf, porc, mouton, chèvre).

Importance économique

La production domestique a nettement régressé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale avec le lent déclin de la "boucherie de campagne". Celle-ci a presque entièrement disparu, mais il existe encore quelques particuliers qui fabriquent des saucisses à partir de viandes fournies par un boucher. De nombreuses boucheries artisanales haut-valaisannes, et quelques boucheries du Valais romand, produisent des saucisses sèches. Leur production est impossible à évaluer. Un boucher de la région viégeoise écoule une partie de sa production, via la grande distribution, jusqu’en Suisse alémanique (Bâle, Lucerne, Schaffhouse, Soleure,…).

... et enfin

Les saucisses aux racines rouges sont réputées pour la douceur que leur confèrent ces légumes. Si les proportions restent faibles, la saveur de la racine rouge n’est toutefois pas identifiable en tant que telle.

Sources

  • Ruppen, Erika,   Fiir uff dr Träschu,   1976.  
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Epicentre de production

Canton du Valais, spécialement le Haut-Valais.
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