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Saucisses sèches valaisannes / Walliser Hauswurst

En bref

Il y a une très grande diversité de saucisses valaisannes, mais ce sont à coup sûr des saucisses sèches… ou de bœuf… ou aux légumes… et le plus souvent les trois à la fois! Le climat sec du Valais s’est prêté à de nombreuses préparations carnées dont le point commun était - et reste pour partie - le séchage à l’air libre (voir la fiche sur les Viandes séchées en Valais). Les saucisses sèches, qui sont une part essentielle de cette tradition, restent aujourd’hui un art très vivace auquel beaucoup de Valaisans sont attachés. Les plus originales par leur forme sont les petites saucisses grasses à base de viande de bœuf, certaines agrémentées de légumes (cf. la fiche consacrée à la saucisse aux racines rouges dite "de Saas"). Il reste également quelques saucisses à cuire, comme la saucisse fratze (au chou) ou la saucisse de ménage (aux oignons).

Description

Saucisses sèches crues embossées en menus de mouton (ou équivalent synthétique): longueur 15 cm, calibre 20-22 mm, poids 50-60 g.

Saucisses sèches crues embossées en droit de bœuf (ou équivalent synthétique): longueur env. 20 cm (assez variable), calibre 34-36 mm, poids 150 g (assez variable).

Saucisses sèches crues embossées en courbe de bœuf (ou équivalent synthétique): env. 20 cm (assez variable), calibre 40-45 mm, poids 200 g (assez variable).

Saucisse fratze (à cuire, en principe): embossée en courbe de boeuf (ou équivalent synthétique), longueur 20 cm, calibre 40-45 mm, poids 350-400 g.

Variantes

Si les variantes à l’ail et aux racines rouges sont classiques, on trouve depuis quelques années des saucisses aux myrtilles, piments, noix, chanterelles, poireaux, pommes de terre, oignons, génépi, au vin (Goron ou Fendant), enrobées d’herbes ou de poivre, etc.

L’importance symbolique de la chasse est telle en Valais, aujourd’hui encore, que l’on trouve aussi fréquemment des saucisses à base de gibier (chamois principalement). Toutefois, les fabricants professionnels ne peuvent se contenter de l’approvisionnement local et doivent importer des pièces de gibier de l’étranger.

Ingrédients

Ingrédients de base des saucisses sèches: viande de bœuf (quartiers de devant), viande de porc, lard de dos, sel, poivre, épices, ail (parfois macéré dans du vin rouge), vin blanc ou rouge. Les proportions sont très variables et dépendent de la recette de chaque boucher.

Autres ingrédients fréquemment utilisés: légumes (principalement choux, poireaux, oignons, racines rouges, pommes de terre).

Saucisse fratze: viande de bœuf et porc 50% (proportions relatives variables), lard de porc 25%, légumes cuits (choux, éventuellement oignons, poireaux, carottes rouges) et éventuellement couennes et abats 25%, sel, épices.

Histoire

Les premières attestations écrites, mais aussi des témoignages oraux, permettent d’attester avec certitude de la fabrication de saucisses en Valais au début du 20ème siècle. Elle est vraisemblablement plus ancienne, mais il est difficile de trouver des informations antérieures pour un produit longtemps resté domestique, et qui n’est pas assez important dans l’économie locale pour avoir laissé beaucoup de traces écrites.

Les saucisses en Valais constituent une grande famille, au sein de laquelle on a longtemps distingué les saucisses grasses composées essentiellement de chair et de lard, séchées, particulièrement recherchées car plus savoureuses; et les saucisses maigres, saucisses de pauvres, essentiellement composées d’abats et des légumes disponibles au moment où l’on "tuait le cochon": choux, poireaux, racines rouges (betteraves rouges), oignons. L’adjonction de sang était aussi possible, essentiellement pour la coloration. Willy Gyr explique que les variantes maigres incluaient, dans le val d’Anniviers, tous les morceaux de la vache que l’on ne pouvait pas manger tels quels: poumons, foie, diaphragme, rate, rognures; "Il faut tout gagner, ne rien laisser perdre!" Le livre de Basile Luyet L’art culinaire à Savièse, publié en 1929, atteste de pratiques similaires. Ces saucisses maigres n’avaient pas très bonne réputation, du fait de leur composition. Dans un canton fortement marqué par la religion catholique, qui imposait de "faire maigre" les vendredis et en période de Carême, on disait par plaisanterie que manger ces saucisses n’était pas manger de la viande, puisqu’elles contenaient essentiellement des légumes! Comme pour les saucisses de Saas, on disait aussi que "si on les plante, elles poussent."

En Valais, le lard et toutes les viandes étaient séchés: la saucisse grasse a donc dû être, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, moins fabriquée que la variante maigre. La tendance s’est ensuite inversée, avec la plus grande disponibilité des viandes de porc grasses, au point que la saucisse maigre à cuire a presque entièrement disparu dans les années 1960 - 70. Désormais toutes les saucisses sont grasses, en des proportions diverses il est vrai. La tradition de mettre des légumes dans les saucisses, pratique héritée des saucisses maigres, a été reprise dans les saucisses grasses et sèches; les légumes sont appréciés aujourd’hui pour leur goût et non plus pour "allonger" la saucisse. On trouve encore aussi quelques saucisses à cuire aux légumes, grasse, par exemple la "saucisse de ménage" aux poireaux toujours fabriquée par quelques bouchers, ou la "saucisse fratze" du val de Bagnes et du Bas-Valais. Cette dernière inclut essentiellement des choux, parfois aussi des poireaux et oignons, et ne contient plus d’abats; on trouve aussi à Isérables une variante aux racines rouges. Présentée en boucle, elle se mange cuite, bien qu’il soit aussi possible de la laisser sécher et de la manger crue.

Production

Aujourd’hui, de multiples variantes locales se distinguent autant par les morceaux utilisés que par l’adjonction d’ingrédients divers. A partir de la base commune que constitue le séchage, chaque boucher peut laisser libre cours à son imagination, stimulée par les goûts des consommateurs locaux. Ceux-ci en restent les principaux destinataires, les saucisses sèches valaisannes étant peu distribuées en dehors du canton.

La saucisse sèche est confectionnée en général à partir de viande bovine, de viande de porc et de lard de porc (on préfère le lard de dos, plus ferme et qui sèche mieux). La viande, le lard et le cas échéant les légumes sont hachés finement ou blitzés, parfois hachés puis blitzés. Les légumes, lorsqu’il y en a, sont crus (poireaux) ou cuits (racines rouges, pommes de terre). La mêlée est mélangée au pétrin avec le sel et les épices, pétrie puis embossée en boyau de mouton (menus de mouton, pour les petites saucisses) ou de bœuf (droit ou courbe de bœuf, pour les saucisses de plus grande taille). L’usage de boyaux synthétiques est assez largement pratiqué, et pas seulement dans les boucheries industrielles.

La saucisse sèche peut maturer dans les mêmes conditions que la viande séchée ou le jambon sec, mais ce n’est pas obligatoire. Dans tous les cas, elle est ensuite séchée dans des conditions similaires à celles de la viande séchée et le jambon sec. En fabrication professionnelle le séchage a lieu sous atmosphère contrôlée, de préférence à moins de 15°C et avec une hygrométrie relative avoisinant les 80%. Bien qu’elle se recouvre au cours du séchage des mêmes moisissures nobles que la viande séchée, la saucisse sèche est en général essuyée avant d’être offerte au consommateur, pour des raisons esthétiques.

Consommation

Les saucisses sèches sont un produit de consommation courante en Valais, elles sont mangées crues, en casse-croûte principalement, accompagnées de pain. On les trouve parfois aussi en bonne place, coupées en fines rondelles (2-3 mm) sur l’emblématique assiette valaisanne. La composition de l’assiette valaisanne a été soigneusement codifiée par les cafetiers-restaurateurs valaisans: viande séchée (40 g), jambon cru (40 g), lard séché (40 g), Raclette (20 g), et éventuellement saucisses sèches, cornichons et oignons, beurre.

La saucisse fratze est surtout consommée à l’automne (avec un pic à la foire du Lard, le 1er lundi de décembre à Martigny). Cuite dans une eau à peine frémissante (70°C), elle se mange avec un "diner de salé": jambon, lard, choucroute, compote de raves ou de choux-raves. La saucisse fratze a de grandes similitudes avec la saucisse aux choux vaudoise, mais contrairement à cette dernière elle contient du bœuf. Par un curieux effet de diffusion des habitudes culinaires, dû peut-être aux livres d’économie ménagère, elle est aussi mangée en Valais accompagnée d’un "papet" de poireaux et pommes de terre à la vaudoise.

Importance économique

La production domestique, autrefois courante, a lentement régressé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale avec le lent déclin de la "boucherie de campagne". Celle-ci a presque entièrement disparu, mais il existe encore quelques particuliers qui fabriquent des saucisses à partir de viandes fournies par un boucher.

La plupart des boucheries artisanales valaisannes produisent des saucisses sèches, mais leur production est impossible à évaluer. Quelques producteurs artisanaux de plus grande taille fournissent des saucisses sèches destinées à la grande distribution (Cher-Mignon).

Sources

  • Raboud Schüle, Isabelle, Rose-Claire Schüle et Pierre Dubuis,   Assiettes valaisannes, nourritures d’hier et d’avant-hier,   Sierre,   1993.  
  • Luyet, Basile,   L'art culinaire à Savièse,   1929.  
  • Gyr, Willy<BR />,   Le Val d’Anniviers. Vie traditionnelle et culture matérielle basées sur le patois de Saint-Luc,   Basel und Tübingen,   1994.  
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Epicentre de production

Canton du Valais.
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