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Bricelets

Brisselets, Bretzeli

En bref

" Friable comme du bricelet! " Cette expression vaudoise reflète la qualité recherchée dans ce biscuit: sa finesse et son croustillant. Les ingrédients sont simples mais la confection exige l’utilisation d’un fer spécial où chaque bricelet est cuit individuellement. Une boîte en fer-blanc remplie de bricelets est un cadeau de Noël apprécié que certaines femmes offrent chaque année à leurs enfants et petits-enfants.  

Selon le Dictionnaire suisse romand, les termes bricelet (en français) et Bretzel (en allemand) se sont influencés mutuellement. Cette influence a donné lieu au terme de " Bretzeli ", utilisé pour désigner le même produit dans l’Emmenthal. La graphie "brisselet", répandue jusqu’au début du 20ème siècle, est aujourd’hui tombée en désuétude.

Description

Biscuit très fin et croustillant cuit entre deux fers chauffants, décorés de stries. Petite gaufre fine, plate ou roulée. Forme: arrondi, plié en quatre en éventail ou roulé en forme de cigare. Dimensions: si plat et rond, de 5 à 15 cm ø; roulé, 14-16 cm longueur et 2 cm ø environ.  Couleur: dorée. Poids: env. 10–15 g.

Variantes

Les "Gottlieber Hüppen“, cigares de gaufrette fourrés, se réclament de la tradition des bricelets ou "Offleten“ (voir les fiches consacrées aux Offleten et Hüppen).  

Le "bouchon vaudois“, marque appartenant à l’Association vaudoise des confiseurs est un rouleau de biscuit japonais fourré d’une masse pralinée aux amandes. Le croustillant et la farce chocolatée en font également un lointain parent du bricelet.

Ingrédients

Bricelets sucrés: farine, lait, crème ou crème double, sucre, beurre, eau, sel et év. saindoux.  

Bricelets salés: lait, crème ou crème double, eau, sel, farine. Ev. cumin, graines de pavot, ou de sésame.

Histoire

La confection des bricelets est probablement liée à celle des hosties car la technique de cuisson entre deux fers chauds est la même. Des vendeurs d’oublies, simples biscuits fins et plats, sont organisés en corporations, à Paris dès le 13ème siècle. A la fin du Moyen Age on confectionne des bricelets et des gaufres plus épaisses dans toute l’Europe, pour le temps des fêtes et du carnaval.

Des fers à bricelets et à gaufres suisses, dont certains datent du 16ème siècle, sont présents en nombre dans nos musées. Les bricelets se préparent grâce à un fer spécial, appelé " fer à bricelet ": la plus ancienne mention écrite de leur existence en Suisse romande dont nous disposons est reportée par le Glossaire des Patois de la Suisse romande, elle est attestée en 1552, dans le canton de Fribourg: " Ung fer pour fere le bresie." Les fers étaient d’abord munis d’un long manche qui servait à cuire directement sur le feu ou sur la braise, sans se brûler. Ensuite, avec l’introduction des fourneaux potagers à bois, à la charnière du 18ème siècle, on commence à fabriquer des fers à mâchoire en fonte, qui s’ouvrent comme un livre et non plus à tenaille.   

Les premiers fers étaient forgés ou incisés. Le décor des fers est composé d’armoiries, de signes religieux et de stries ou de rinceaux baroques. Ce n’est qu’au 19ème siècle qu’on introduit les matrices ou poinçons, qui facilitent et accélèrent le travail de fabrication des fers en fonte, produits en série. Les décors étaient beaucoup moins profonds qu’auparavant, donnant lieu à une pâtisserie plus fine. Les décorations élaborées des fers montrent que la consommation de ces pâtisseries était destinée pendant longtemps, jusqu’à la fin du 19ème siècle environ, à un secteur aisé de la population.  

Dès la fin du 19ème siècle et ensuite à l’occasion de manifestations comme l’Expo 64, le décor des fers se codifie et les motifs les plus courants au 20ème siècle sont Tell, l'edelweiss, Chillon, le lion de Lucerne, Helvétia et ses enfants, la gentiane, l'oiseau. Si le motif figuratif est en relief, le bricelet doit être plus épais et la pâte plus ferme. Les deux modèles de fers électriques actuellement sur le marché suisse sont décorés de seules stries géométriques et d’un écusson suisse. Ils permettent de faire un grand bricelet de 16x16cm à rouler ou quatre petites pièces de 8 cm. Les fers électriques, qui apparaissent à partir des années 1920, chauffent même temps de deux côtés. Les fers à long manches pour le feu ou ceux qui ont été adaptés au gaz doivent être retournés pour dorer les deux faces.

Les très nombreuses recettes pour la pâte à bricelets, variant en fonction du corps gras utilisé, sont transmises dans les livres de cuisine imprimés, dans les cahiers manuscrits et les publications des femmes paysannes. François de Capitani, dans son livre Soupes et citrons (2002), affirme que les recettes rencontrées au 18ème siècle ne diffèrent pas beaucoup de celles que nous connaissons aujourd’hui. La difficulté dans la préparation des bricelets, explique-t-il, consistait en la régulation de la température de cuisson au fer, qui était chauffé sur le feu ouvert.  

Parmi les ingrédients, aujourd’hui le saindoux est moins utilisé, suivant la désaffection générale envers cette graisse tirée du porc; ce, alors même que le résultat est jugé meilleur. En ce qui concerne le beurre, il donne un arôme apprécié; mais s’il est utilisé en trop forte proportion, il a tendance à couler hors du fer à la cuisson. L’usage de la crème était considéré comme caractéristique de la production en milieu rural. Aujourd'hui les bricelets sont produits principalement par les paysannes, mais il existe aussi quelques pâtisseries et des crémeries qui en font confectionner à domicile pour la vente dans leur magasin. Une fabrication industrielle permet aux grands distributeurs de proposer les bricelets dans leur assortiment.

Production

Généralement, on utilise pour les bricelets: de la farine, du sucre, de la crème ou de la crème double, du beurre, du saindoux, de l'eau et un peu de sel. Pour des bricelets salés, il suffit de ne pas ajouter de sucre à la pâte. On peut aussi introduire dans la pâte du cumin ou des graines de sésame, de pavot ou du fromage râpé.  

Les ingrédients de la pâte sont mélangés et la pâte repose quelques heures. On dépose une cuillerée ou une boulette (selon que la pâte est liquide ou semi-liquide) dans le fer chaud que l’on referme. Les astuces de la cuisson ne sont pas détaillées dans les recettes, une transmission fine du savoir-faire entre les femmes est indispensable. Quand la vapeur cesse de sortir il faut attendre un peu plus... et l’expérience fait le reste!  

Le bricelet doit être doré mais pas totalement brun. Encore tout chaud il est transféré sur une planche et immédiatement coupé, plié ou roulé autour d’un bâtonnet en bois. Le bricelet sucré peut être roulé autour d'une barrette au chocolat. Formé en rouleau ou en cigare, il pourra aussi être rempli de crème double au moment d’être consommé (Fribourg). Il doit totalement refroidir avant d’être conditionné dans des boîtes hermétiques ou des sachets transparents pour la vente. Vu son extrême fragilité le bricelet doit être emballé et transporté avec délicatesse. Il se conserve jusqu’à huit semaines.  

La production des bricelets exige beaucoup de patience. Plusieurs femmes s’associent volontiers pour y consacrer une après-midi commune et organiser leur travail autour de plusieurs fers.

Consommation

Le bricelet se consomme toute l’année mais il est précieux et apporte toujours une touche festive et raffinée. Il s’apprécie parmi les biscuits et friandises à Noël, il se sert  en fin d’un repas de fête familiale, avec le café. Les bricelets salés sont offerts à l’apéritif avec le vin blanc, usage propre au canton de Vaud. Le bricelet formé en éventail ou en cornet accompagne les glaces ou entoure une crème fouettée au kirsch. En Gruyère, les bricelets garnis de crème ou de crème double font partie du menu de la Bénichon. Dans ce cas-là, on enroule les bricelets lorsqu’ils sont encore chauds autour d’une tige en bois. Lorsqu’ils sont refroidis, on les emplit avec de la crème.

Importance économique

Si dans les siècles précédents le bricelet été produit par des corporations d’artisans et probablement au sein des ménages aisés, la tradition ne s’y est pas maintenue. L’arrivée des cuisinières à gaz puis électriques dans les ménages aurait exigé l’adaptation des fers. On trouve des fers à gaufres de facture industrielle adaptés dans la première moitié du 20ème siècle (France du Nord, Belgique) alors que les fers à bricelets électrifiés sont plus rares. L’art du bricelet s’est conservé en milieu rural. Les femmes paysannes, vaudoises et fribourgeoises en particulier, ont publiés des recettes, elles confectionnent des bricelets à domicile. Ceux-ci sont vendus au stand de légumes du marché, dans les fromageries ou les magasins de produits régionaux. La technique du bricelet n’est pas enseignée aux pâtissiers professionnels qui n’en vendent pas ou très rarement. Sur le marché, les paquets de 100 grammes sont vendus au prix d’environ 5 Fr. lors des manifestations (Lausanne 2008).   

Les bricelets de production industrielle sont pour la plupart moins fins, il s’agit presque d’un produit différent. La firme Kambly SA, dans l'Emmental (BE), commercialise ainsi depuis le début du 20ème siècle un "Bretzeli / Fine Crêpe" rond et plat. Ce dernier n'est sans doute pas pour rien dans le fait que les bricelets sont connus dans toute la Suisse, bien au-delà de leur berceau historique. Notons enfin que les bricelets utilisés dans la restauration pour terminer les coupes de glace ne se confondent en aucun cas avec " le " bricelet artisanal, du moins dans le cœur des vrais amateurs.

... et enfin

Bricelets, Bretzeln, Bretzeli… le jeu sur les langues peut prêter à confusion et finalement on ne sait pas toujours quel terme désigne quelle pâtisserie. Dans la Singine fribourgeoise, cette confusion a donné lieu à un produit qui unit les caractéristiques des bricelets romands et des Bretzel au beurre, appelé "brätzela". Dans cette région qui se trouve sur la frontière entre la Suisse alémanique et la Suisse romande, on fait des bricelets avec une pâte plus dense, moins coulante. La pâte est façonnée en forme de Bretzel et ensuite cuite au fer. On obtient ainsi un bricelet… en forme de Bretzel, la surface aplatie mais pas pleine.

Sources

  • Knecht, Pierre,   Dictionnaire suisse romand,   Zoe,   1997.  
  • Schnieper, Claudia et Peter Jaray,   Coutumes gourmandes de Suisse,   Mondo,   2006.  
  • Collectif<BR />,   Glossaire des patois de la Suisse romande, Tome II (arras - bziyon),   V. Attinger,   Neuchâtel et Paris,   1934-54.  
  • Vouga, J.-P.,   Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud - vol.11,   Editions 24 Heures,   Lausanne,   1984.  
  • Coradi-Stahl, Emma,   Gritli in der Küche,   Kommissionsverlag,   Zürich,   1916.  
  • Folklore suisse, fas. 3-4,   1985.  
  • Folklore suisse, fasc. 1-4 1962,   1962.  
  • Borel de Bitche, Esther; Bolens, Lucie (éd.),   Elixirs et merveilles: un manuscrit inédit sur la cuisine bourgeoise en Suisse romande à la fin du XVIIIe siècle,   Zoé,   Genève,   1984.  
  • De Capitani, François,   Soupes et citrons. La cuisine vaudoise sous l'Ancien Régime,   Éditions d'en bas,   Lausanne,   2002.  
  • Jeanneret, Rémy et Robert, Jean-François,   Fers à gaufres et à bricelets,   L'Industriel sur bois,   Lausanne,   1992.  
  • Musée neuchâtelois,   1887.  
  • Rytz, Lina,   La bonne cuisinière bourgeoise,   C. Rätzer,   Berne,   1853.  
  • La cuisinière genevoise,   1817.  
  • APV,   Nos meilleures recettes,   Association des Paysannes vaudoises (APV),   Poliez-le-Grand,   2007.  
  • Maillard, Louis,   La cuisine des familles: pâtisserie - conserves - glaces,   Librairie Henry Kündig,   Genève,   1901.  
  • Breugel, Pieter,   Kampf zwischen Fasching und Fasten,   Kunsthistorisches Museum Wien,   1559.  
  • Thiele, Ernst,   Waffeleisen und Waffelgebäcke,   ?.  
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