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Longeole (IGP)

Longeole (IGP)

En bref

Les bouchers genevois l’avouent eux-mêmes – et avec une pointe de fierté : le longeole est une spécialité anachronique à une époque de vitesse et de désaffection des nourritures grasses. Non seulement le taux de matière grasse de cette saucisse genevoise est conséquent, mais les couennes (peau grasse du cochon) qui entrent dans sa composition imposent une cuisson très longue, entre deux et trois heures selon sa taille. Le boucher a la possibilité de précuire la couenne avant de l’intégrer à la mêlée qui formera la saucisse, afin de réduire le temps de cuisson ultérieure ; mais les connaisseurs préfèrent indiscutablement le moelleux de la longeole à couenne crue !

Notons qu'à Genève, le terme longeole se prononce "longeôle".

Description

Saucisse à cuire à maturation interrompue, de 18 à 20 cm de longueur et 6 à 8 cm de calibre, d’un poids de 200g environ.Cuite, la longeole est de couleur rose pâle.

Variantes

Dans la variante savoyarde de la longeole, le carvi (cumin des prés) est plus communément présent que dans la variante genevoise.

Ingrédients

Ingrédients de base : viande maigre de porc, lard de cou de porc (env. 20%), couenne de porc (env. 15%), sel nitrité (environ 18 g/kg). Epices : en priorité poivre et fenouil entier (quasi-irremplaçable dans la version genevoise de la longeole) ; assaisonnement aussi rencontré : ail, vin blanc, carvi (cumin des prés).Embossage en boyau naturel de porc (frisé ou rosette), éventuellement de bœuf (droit).

Histoire

L’arrivée tardive de la longeole dans les livres de recettes genevoises (1885) [cf. Jean Lamotte (2000) p. 22 ] masque une présence plus ancienne. En effet, on trouve le nom de longeole dans le Glossaire genevois de A.-J. Gaudy-Lefort publié à Genève en 1820. C’est, à ce jour (2006), la plus ancienne mention écrite connue de ce saucisson. Les analogies, mentionnées par J. Lamotte, de la longeole avec le murson dauphinois laissent entrevoir une arrivée relativement ancienne de la longeole dans la cuisine genevoise. Elle pourrait remonter au second Refuge (1685-1705) qui voit arriver à Genève de nombreux réfugiés pour cause de religion en provenance du Dauphiné. Immigration qui perdurera jusqu’à la seconde moitié du 18e siècle. Cette hypothèse est plausible si l’on se souvient que la longeole reste limitée à la région genevoise (anciennes terres de la République et Communes Réunies – terres savoyardes, rattachées à Genève en 1816 – où les Genevois possèdent de nombreuses propriétés foncières). Côté suisse, la fabrication de la longeole n’a en effet pas essaimé plus loin que Genève. On n’a guère d’indications sur l’évolution de la longeole au cours des 19ème et 20ème siècles. Les changements les plus vraisemblables concernent la viande de porc d’une part, et les épices d’autre part. Au cours du 19ème siècle, l’amélioration des conditions d’alimentation des porcs, ainsi que les croisements et améliorations génétiques, ont progressivement conduit à l’élevage de porcs très gras ; la longeole l’était aussi. La tendance inverse se manifeste depuis les années 1990, et les bouchers ont tendance à fabriquer une longeole légèrement plus maigre. Côté épices, la version au fenouil entier fait autorité à Genève aujourd’hui. Il est possible que l’adjonction de carvi (dit aussi cumin des prés) ait été autrefois plus largement pratiquée, comme elle le reste d’ailleurs dans les variantes du nord-est de la Haute-Savoie. L’hypothèse d’une parenté avec le murson dauphinois plaide en ce sens. Suite à la disparition progressive des prairies naturelles, au cours du 19e siècle, les graines du carvi auraient ainsi été remplacées par du fenouil dont les graines ont d’ailleurs les mêmes propriétés carminatives ; la recette indiquée en 1894 par le Valaisan Joseph Favre, dans son Dictionnaire universel de cuisine pratique, ne mentionne que le fenouil entier. On ignore quand la longeole est devenue une spécialité populaire, mais des indices convergents montrent qu’elle est très bien implantée à Genève et dans le nord de la Haute-Savoie dès les années 1930. Selon l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France : Rhône-Alpes (1995), elle apparaît dans plusieurs guides édités du côté français au cours années 1920 et 1930. Du côté genevois, un guide gastronomique paru en 1932 fait apparaître que plus de la moitié des auberges de campagne annoncent la longeole comme « produits d’appel ». A la même époque, les maraîchers genevois organisent des expositions en collaboration avec la Société des charcutiers de Genève, sous le nom de Journées ou Foire aux Longeoles. Ces manifestations attirent de 15 à 20'000 curieux et acheteurs, qui défilent devant les parterres de légumes et les échoppes offrant des milliers de longeoles ! La longeole, longue à cuire et relativement grasse, a connu pour ces raisons, au cours des dernières décennies du 20ème siècle, une certaine désaffection. Sa valeur patrimoniale, qui a empêché sa disparition, semble aujourd’hui mener à un nouvel intérêt du public, soutenu par les professionnels et l’Etat. La Longeole est inscrite au registre fédéral des Indications géographiques protégées (IGP) depuis 2009. Un cahier des charges déposé à l’Office fédéral de l’agriculture décrit les exigences à respecter pour bénéficier de l'Indication.

Production

Le mélange de viande maigre, lard de cou et couennes crues est haché au couteau ou au hachoir (grille de 6 à 8 mm). La masse reçoit alors l’adjonction du sel nitrité et des aromates, elle est pétrie durant quelques minutes puis embossée en boyau de porc ou de bœuf. Après l’embossage, la longeole est suspendue à une ficelle à température ambiante, pendant 12 heures au minimum ; elle est ensuite laissée à maturer quelques jours avant la vente.

Consommation

La longeole, vendue crue, doit être cuite entre 2 et 3 heures dans une eau à peine frémissante (maximum 70°C) ; il est possible de la piquer d’un cure-dents aux extrémités afin d’éviter l’éclatement, mais sans la percer davantage. Présentée comme une spécialité genevoise incontournable, elle est accompagnée en général d’un gratin de pommes de terre. Elle peut aussi être dégustée avec une salade de pommes de terre ou de carottes rouges.  La consommation domestique de la longeole est encore vivace dans le canton de Genève ; mais cette saucisse n’est guère mangée au-delà de Nyon, bien qu’elle soit connue et identifiée dans toute la Suisse romande comme spécialité genevoise.

Importance économique

A Genève, la longeole est produite par des producteurs fermiers, des artisans bouchers et un atelier de charcuterie industriel. Un boucher artisanal produit quelques dizaines de longeoles par semaine au maximum. La production totale annuelle est estimée à 40 tonnes.

Sources

  • © Association Suisse des AOP-IGP,   Photo Longeole IGP.  
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Epicentre de production

Genève et environs (jusqu’ au nord de la Haute-Savoie).

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