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Moutarde de Bénichon / Chüubisenf, Mutaarda

Moutarde de Bénichon / Chüubisenf, Mutaarda

In sintesi

La moutarde de Bénichon est une pâte à tartiner à base de farine de moutarde, vin blanc et vin cuit. Ce produit n'a pas grand chose à voir avec ce que l'on connaît habituellement sous le nom de moutarde. Bien qu'on y retrouve le piquant auquel on s'attend en dégustant une moutarde, le goût à la fois sucré et épicé que lui confèrent ses autres ingrédients en font une spécialité tout à fait originale. De fait, il s'agit de l'un des produits les plus surprenants de la fête de la Bénichon, dans le canton de Fribourg ; il ne laisse jamais indifférent: soit on adore, soit on déteste.

Descrizione

Produit à tartiner à base de moutarde, de vin blanc, de vin cuit et d'épices, de couleur brun clair à brun foncé, au goût piquant et épicé.

Variazioni

Chaque famille ou boulanger a sa propre recette dont les proportions des divers ingrédients varient mais globalement, les ingrédients restent les mêmes.

Ingredienti

Moutarde en poudre, vin blanc, eau, cannelle en bâtons, anis étoilé, sucre candi, vin cuit, farine.

Storia

La plus ancienne mention de moutarde de Bénichon dont nous ayons connaissance nous vient d'un feuilleton journalistique intitulé Idylle gruérienne, paru dans le Confédéré le 24.07.1852. Il s'agit d’ailleurs aussi de la plus ancienne mention connue du menu de Bénichon tel qu'il est servi à l'heure actuelle. Aucune recette n'est malheureusement donnée mais sous le chapitre "La Bénichon au village", on peut lire ceci: "[...] et cette moutarde!... excellente ma foi! ni trop forte, ni trop douce; et épaisse, comme je l'aime", ce qui laisse supposer qu'il s'agit bien d'un produit semblable à celui que nous connaissons actuellement.

Notons toutefois qu'il existe des recettes bien plus anciennes d'une moutarde relativement similaire mais ne portant pas le nom de moutarde de Bénichon et n'étant pas rattachée à cette fête. Il s'agit en fait d'une méthode visant à conserver la moutarde plus longtemps! Et la recette nous vient d'un livre écrit par Pierre-Joseph Buc’hoz "médecin de feu Roi de Pologne" intitulé Manuel alimentaire des plantes tant indigènes qu'exotiques qui peuvent servir de nourriture et de boisson aux différens peuples de la terre, édité à Paris. Le livre a été édité pour la première fois en 1771. L'exemplaire consulté a appartenu à un notaire de Villarvollard (FR) et porte une dédicace datée de 1784.  Voici ce qu'on peut y lire page 420: "Méthode de préparer la moutarde pour conserver toute l'année: prenez deux onces de semence de moutarde en poudre et une demi-once de cannelle commune aussi en poudre. Faites une masse avec de la fleur de farine et une suffisante quantité de vinaigre et de miel dont vous ferez de petites boules que vous laisserez sécher au soleil ou dans un four lorsque le pain en aura été retiré. Pour vous en servir, détrempez une ou deux de ces boules avec du vin ou du vinaigre, ce sera une fort bonne moutarde." Une bonne partie des ingrédients de base de la moutarde de Bénichon entre donc dans la composition de cette moutarde, le sucre candi étant remplacé par du miel. Y figure également une "Autre préparation de la moutarde: on prend du moût à volonté, on le fait évaporer sur le feu jusqu'à ce qu'il soit réduit au tiers, on délaye ensuite de la semence pilée de moutarde et on met dans ce mélange un fer rouge pour lui donner de la consistance."

L'Encyclopédie d'Yverdon (1770-1780), à l'article "moutarde", nous donne plusieurs recettes relativement similaires à celles de Pierre-Joseph Buc’hoz et la moutarde élaborée selon les procédés de fabrication répandus à l'heure actuelle est précisée comme étant "comme celle d'Anjou et Dijon". Notons encore que l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert, dont L’Encyclopédie d’Yverdon est inspirée, ne donne aucune recette semblable.

Il semble donc que la moutarde de Bénichon soit à l'origine un produit bien plus répandu qu'il ne l'est actuellement mais que seul le canton de Fribourg en ait conservé le savoir-faire. Joseph Favre, dans son Dictionnaire universel de cuisine pratique (1894), précise ainsi que "dans l’ancien français on écrivait moust ardent, parce que dans la préparation de ce condiment, on ajoutait du moût de raisin (…)." La recette qu’il livre contient aussi du moût, mais il n’est pas indiqué que ce moût a dû être cuit. Ajoutons encore qu’il existe, en Suisse, d’autres moutardes sucrées et épicées. Ainsi la moutarde de Saanen, élaborée à partir de Chirschmues (voir Chirschmues), que l’on pourrait qualifier de "vin cuit de cerises", et d’épices comme la cannelle ou le girofle. Enfin, la moutarde d’Aigle, réputée semble-t-il dès le 15ème siècle, élaborée à partir de coings et de miel („moutarde douce“), entrait également dans la même catégorie. Il semble en outre que dans le canton de Fribourg, jusqu'au début du 20ème siècle en tout cas, l'appellation "moutarde de Bénichon" n'ait pas été systématique. On trouve en effet des mentions de "moutarde aux épices" ou de "moutarde de table" qui sont en fait des produits similaires.

Les témoignages que nous avons recueillis attestent du fait que la moutarde de Bénichon est restée très appréciée et très consommée tout au long du 20ème siècle dans le canton de Fribourg. Elle continue de l’être, sans doute parce que le repas de la Bénichon est une tradition restée très vivace.

Produzione

La fabrication de la moutarde de Bénichon s'étale généralement sur deux jours. Le premier, il s'agit simplement de faire macérer la moutarde dans le vin blanc. Le lendemain, cuire l'eau, l'anis étoilé, la cannelle en bâtons et le sucre candi durant environ 15 minutes. Délayer la farine dans le vin cuit puis passer le jus de cuisson des épices. Ajouter le mélange de farine et de vin cuit et faire cuire en remuant jusqu'à ce que le mélange ait la consistance d'une gelée et que le goût de farine ait disparu. Ajouter finalement le mélange de moutarde et de vin blanc. Retirer aux premiers signes d'ébullition. Laisser refroidir. Conditionner dans des pots, comme de la confiture.

La moutarde de Bénichon est produite dans toute la partie romande du canton de Fribourg ainsi que dans certaines parties du district de la Singine qui sont proches de cette dernière. Elle est à ce point liée à la cuchaule que la production artisanale est généralement le fait des boulangers-pâtissiers-confiseurs. La production ménagère est également assez répandue. Certaines boulangeries en fabriquent toute l'année, d'autres seulement en période de Bénichon. Dans les lieux touristiques, on la trouve durant toute l'année. Certaines grandes surfaces en commercialisent également mais uniquement en période de Bénichon.

Consumo

La moutarde de Bénichon se consomme généralement tartinée sur une tranche de cuchaule beurrée. Cette combinaison constitue d'ailleurs l'entrée du menu de Bénichon. A l'origine, elle servait à faire patienter les convives en attendant que tous soient présents.

On peut également la déguster hors Bénichon, mais le lien avec la cuchaule reste très marqué. On la consommera alors en fin de semaine, généralement le dimanche, au petit déjeuner.
La moutarde de Bénichon se consomme dans la même zone où elle est produite, c'est-à-dire dans la partie romande du canton de Fribourg et les parties attenantes du district de la Singine.

Importanza economica

Dans le canton de Fribourg, la moutarde de Bénichon se trouve dans de nombreux commerces d'alimentation ainsi que dans les grandes surfaces. On la trouve également dans certains commerces et grandes surfaces dans les cantons voisins.

Du fait de son lien étroit avec la cuchaule, de nombreuses boulangeries-pâtisseries-confiseries en produisent. La production annuelle d'un établissement de taille moyenne se situe dans les 400 kg par année.

La production domestique est restée passablement vivace.

... ed inoltre

La Bénichon a été et reste une fête d’une grande importance dans le canton de Fribourg. Son nom vient du latin benedicto, bénédiction en français. Célébrée à l’origine dans chaque paroisse du canton, le jour de la dédicace de l’église paroissiale, elle était souvent l’occasion de grandes réjouissances. Les premières attestations de cette fête remontent au 15ème siècle, alors que Leurs Excellences de Fribourg décident de réprimer les "débordements" qui accompagnent la fête. "Les" Bénichons sont dès lors réglementées et concentrées à l’orée de l’automne, et "La" Bénichon devient la fête des récoltes et de la désalpe.

Le repas de Bénichon se déroule comme suit: vient d’abord la cuchaule* accompagnée de beurre et de moutarde de Bénichon*. Le bouillon et le bouilli de bœuf sont servis ensuite, puis le ragoût d’agneau aux raisins accompagnés de purée de pommes de terre et de poires à Botzi*. Arrivent alors les délices de la borne (jambon* et saucisson*) accompagnés de choux et de haricots. Puis le gigot d’agneau à l’ail accompagné d’une purée de pommes de terre et d’une salade aux carottes rouges. Pour le dessert, on sert de la crème double* en baquet accompagnée de meringues*, ainsi que des beignets de Bénichon*, des bricelets*, des pains d’anis*, des croquets* et des cuquettes*.
Les produits marqués d’un * font l’objet d’une description détaillée dans l’Inventaire du patrimoine culinaire suisse.

Fonti

  • De Félice, Fortuné-Barthélemy,   Encyclopédie d'Yverdon, ou Dictionnaire universel raisonné des connoissances humaines,   Yverdon,   1770-1776.  
  • Peiry, Anne Marie,   Cuisine & Traditions au pays de Fribourg,   Association fribourgeoise des paysannes,   Fribourg,   1995.  
  • Auteurs divers,   Le Confédéré,   1852.  
  • Joseph Buc'hoz,   Manuel alimentaire des plantes tant indigènes qu'exotiques qui peuvent servir de nourriture et de boisson aux différens peuples,   J.-P. Costard, libraire,   Paris,   1771.  
  • actes du colloque, Dijon, les 12 et 13 septembre 1996, campus universitaire : troisième colloque transfrontalier,   Le goût,   Université de Bourgogne,   Dijon,   1998.  
  • Florence Bays,   Etude historique sur la cuchaule,   2002.  
  • Angèle Reichlen,   Mes recettes de cuisine,   Bulle,   1928.  
  • Divers,   La plume fribourgeoise,   1899.  
  • Anonyme,   Pharmacie Bullet à Estavayer-le-Lac. Recettes médicales,   Estavayer-le-Lac,   1870-1890.  
  • © Terroir Fribourg ,   Photo Moutarde de Bénichon.  
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Epicentro di produzione

Partie romande du canton de Fribourg et district de la Singine.

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