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Bauernschüblig

Buureschüblig, Bauernschübling, Rauchwürstli, Bauernwurst, Puurewurscht.

En bref

Que ce soit un schüblig paysan, une saucisse paysanne ou encore une saucisse fumée, il ne s’agit que d’une même sorte de saucisses. Ce sont toutes des saucisses crues à base de viande de bœuf et de porc qui ressemblent à des gendarmes.

Les différentes désignations sont expliquées géographiquement d’après l’Atlas du folklore suisse : pour la description du schüblig paysan, on constate une nette appartenance à la zone nord-est de la Suisse et qui s’étend vers l’ouest, principalement à l’intérieur de la frontière du canton de Zurich. Le terme saucisse paysanne, en revanche, qualifie une production s’étendant de la limite germanophone ouest jusqu’à la frontière avec le Liechtenstein. D’autre part : « la zone de distribution de l’appellation saucisse crue marque le pont entre les deux zones du schüblig et de la saucisse paysanne en tant que désignation d’une même sorte de saucisses ». Les différentes démarcations géographiques ne sont aujourd’hui plus aussi clairement distinctes que lors de la rédaction de l’Atlas du folklore suisse en 1940, où on peut lire que la saucisse du côté est contenait plus de bœuf alors que celle du côté ouest était principalement élaborée avec de la viande de porc et contenait parfois du cumin. Son boyau étant très foncé, elle était parfois désignée comme « la noire ».

La saucisse crue est fabriquée et consommée dans toute la Suisse alémanique. Principalement dans l’est, dans la région zurichoise, dans certaines zones du canton d’Argovie et de Lucerne, dans les cantons de Bâle-Campagne et Berne.

Avant de nous concentrer sur le schüblig paysan, voici quelques informations générales concernant l’appellation « schüblig » qui regroupe un certain nombre de saucisses différentes.

« Häsch Schüblig i de Ore? » (t’as des schübligs dans les oreilles ?) est un dicton bien connu dans l’est de la Suisse. Il signifie qu’une personne n’entend pas bien, plutôt qu’elle ne veut pas entendre. Rapide retour en arrière dans le tome 8 de l’Idiotikon paru en 1920 pour comprendre comment est né ce dicton : un schüblig désignait, entre autres, un flocon de coton qu’on utilisait pour se boucher les oreilles. D’autre part, l’Idiotikon énumère une série de significations qui ont toutes un rapport avec l’idée de colmater. Probablement que l’appellation de cette saucisse provient aussi du dérivé de cette signification. La description de l’Idiotikon définit le schüblig ainsi : « Une saucisse avec une structure grossière ». Comme déjà indiqué, l’appellation schüblig regroupe un grand nombre de variétés de saucisses différentes. Toutes ces variétés contiennent les mêmes ingrédients de base : de la viande de bœuf et de porc, ainsi que du lard. Même la structure grossière est une caractéristique du schüblig, comme le confirment les charcutiers et les experts. Cependant, cela a évolué ces dernières années. « De nos jours, les consommateurs préfèrent une saucisse contenant moins de gras et moins de couenne. De ce fait, la chair de la saucisse est plus fine. Il existe aussi une différence rurale-urbaine, comme le commentent certains autres experts : « Les citadins ont une préférence pour une chair plus fine, contrairement aux habitants de la campagne ».

En dehors de ces similitudes, il existe, au sein de la grande famille des schüblig, un autre facteur d’importance : le mode de production. D’un côté, il y a les saucisses crues telles les schüblig campagnards ou les schüblig du Toggenbourg, qui sont principalement consommées crues et, d’un autre côté, il y a les saucisses échaudées qui sont souvent cuites dans l’eau ou grillées. Parmi ces dernières on compte l’Augustiner, la Bassersdorfer, la glaronaise et le schüblig de St-Gall.

Description

Saucisse crue droite, à base de viande de bœuf et de porc, d’une longueur de 20 cm. Vendue par paire d’un poids de 100 g/pièce. La couleur varie selon le boyau. Brun foncé pour le boyau de porc ou noir pour un boyau artificiel ou teinté.

Variantes

Diverses variétés. Petit frère du schüblig, on trouve le Rauchwürstli produit au pied du Uetliberg de Zurich. Sa production est similaire au schüblig paysan, seule la taille est différente. Il ne pèse que 50 g et se vend par 4 pièces. Le charcutier Walter Hess, décédé depuis, a créé cette recette et l’a transmise à son successeur. Selon les dires des producteurs actuels, la production de la saucisse fumée de l’Uetliberg aurait pris son envol dès le milieu des années 1970. A cette époque, la demande pour de petites saucisses était très forte et n’a cessé d’augmenter depuis. Aujourd’hui, ce sont entre 2 et 3 mille pièces qui se vendent chaque semaine. 

 

Selon l’Atlas du folklore suisse, dans le canton de Bâle-Campagne, seules les saucisses au foie, au sang ou à rôtir faisaient partie de l’assortiment de charcuterie artisanale. Les saucisses comme les schüblig paysans ou autres saucisses fumées étaient elles considérées comme faisant partie de l’assortiment de saucisses de boucherie. Dans le canton du Valais, la production est plus axée sur les saucisses sèches. Elles contiennent cependant moins de viande maigre que la saucisse paysanne. Dans les Grisons, on trouve le Salsiz, une saucisse crue proche du schüblig paysan, mais qui est aussi produite dans les fermes.

Ingrédients

Viande de bœuf et de porc, lard et épices

Histoire

Le schüblig était déjà connu au 13e siècle, comme l‘atteste une source tirée de l’Idiotikon : « En 1923, Cellerarius, l’intendant du couvent de Grossmünster, était obligé de donner deux saucisses au Canonicus, dirigeant du chœur. On donna alors le nom de « inschubelinge » à cette paire de saucisses. La source ne révèle malheureusement pas comment les « inschubelinge » étaient fabriquées. Une autre source du 16e siècle, tirée du « Deutschen Wörterbuch » de Jacob et Wilhelm Grimm, décrit le schüblig comme saucisse de porc. Il est fort probable qu’à l’origine le schüblig était fabriqué après l’abattage du porc avec la viande de porc et du lard. Mais déjà au 19e siècle, les sources qui décrivent la composition du schüblig telle qu’on la connaît aujourd’hui se multiplient : une saucisse à base de viande de porc, de bœuf et de lard.

On suppose que le schüblig campagnard est la plus ancienne variante dans la gamme des schüblig. Il a vu le jour dans les boucheries domestiques et c’est certainement grâce à cela qu’il en existe une telle variété. Ainsi, comme chaque paysan avait sa propre recette – ce qui est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui – chaque charcuterie produisait selon sa propre recette. Les différentes appellations pour la même sorte de saucisse témoignent également d’une partie de l’histoire du schüblig. Le terme de « saucisse fumée » fait référence au processus de fumage et explique les raisons pour lesquelles les saucisses sont encore de nos jours si attachées à certaines régions : « Cela a un rapport avec le climat », explique un charcutier. « Hors des zones mentionnées, le taux d’humidité est plus élevé. Pour produire des saucisses séchées à l’air libre, il faudrait créer ce climat artificiellement, ce qui nécessiterait l’acquisition de machines coûteuses. Dans les Grisons et en Valais, ce climat est naturel, ce qui explique pourquoi les produits carnés séchés à l’air sont plus nombreux dans ces régions. Ici en revanche le fumage s’est généralisé ».

Pour différencier le schüblig paysan de la saucisse campagnarde, on se réfère au contexte de production. Toujours selon l’Atlas, durant la première moitié du 20e siècle, les boucheries-charcuteries artisanales en Suisse connurent un profond changement. Les boucheries professionnelles prirent de l’essor contrairement aux boucheries privées, ce qui fut particulièrement le cas dans la région autour de St-Gall. Ce bouleversement n’atteignit cependant pas le schüblig paysan : il appartenait – comme aujourd’hui encore – à la famille des « typiques saucisses paysannes artisanales de qualité ». Le schüblig paysan était donc le plus souvent produit artisanalement jusqu’au milieu du 20e siècle. On comprend dès lors mieux d’une part la provenance de son nom et, d’autre part, les nombreuses variétés disponibles sur le marché. En effet, la recette de fabrication artisanale et privée du schüblig se transmettait, en règle générale, oralement.

La saucisse fumée était toutefois aussi très appréciée en ville durant le
19e siècle. En raison de son prix très avantageux, surtout pour un produit carné, la classe ouvrière en consommait très souvent. Il semble cependant que la composition  de base fut l’objet de quelques abus : pour économiser sur la viande, certains charcutiers n’hésitèrent pas à ajouter de l’amidon, de la farine ou du pain dans la farce. Cela gâcha la qualité de la viande, bien sûr, mais, dans le pire des cas, pouvait aussi provoquer des problèmes de santé. Pour cette raison, certains cantons, comme Bâle ou Zurich, mirent sur pied des contrôles annuels dès les années 1870.

Les sources ne s’entendent pas quant à savoir si le schüblig paysan se consomme cuit ou cru. Alors que l’Atlas parle de saucisse crue, dans les diverses publications de 1950, 1980 et 1990 on peut lire que la saucisse se consomme chaude. Qu’en pensent les charcutiers contactés ? « Nous fabriquons le schüblig paysan pour la consommation crue. Mais jusqu’il y a deux ans, nous produisions encore une variété à manger cuite. La demande était très faible, raison pour laquelle nous avons cessé la production », raconte le charcutier de la campagne zurichoise. La saucisse fumée d’un charcutier de la région bâloise quant à lui nous dit qu’elle est produite pour être consommée chaude : « Les saucisses sont bien meilleures quand on les laisse bouillir dans l’eau à 80° C ».

Production

Le schüblig paysan appartient à la famille des saucisses crues. Dans le centre de formation pour l’industrie de la viande à Spiez (ABZ), on enseigne aux jeunes apprenti-e-s boucher-ère-s cette recette de base pour la fabrication des schüblig paysans : une quantité égale de viande de bœuf et de porc avec un quart de lard et des épices, le tout finement haché au cutter. La viande est hachée dans un genre de gros hachoir à viande, ce qui permet d’avoir une farce granuleuse viande-lard régulière. Si le charcutier n’utilise pas la machine à hacher (wolf), la farce est surgelée entre -2° et -4° C, puis coupée, avec les épices, au blitz. Du sel et du vin sont ensuite ajoutés. Comme pour tous les produits de charcuterie crue, le boucher incorpore du sel nitrité, ou du salpêtre, et du sel de cuisine. Cela donne une belle couleur rose et fait fonction de conservateur pour les viandes crues. Après quelques minutes, la chair atteint sa consistance idéale, c’est-à-dire un grain entre 3 à 4 mm, ainsi qu’une température oscillant entre -1° et -2° C. Le charcutier introduit ensuite la farce dans un intestin, soit un boyau de porc, soit aujourd’hui plus fréquemment utilisé, un boyau de collagène noir. Chez les charcutiers interrogés, les saucisses sont fumées de manière naturelle durant toute une nuit sur un chariot, le sel nitrité et la chaleur favorisant le processus. Ce procédé de fumage doux, ainsi qu’un processus de maturation complète sont nécessaires afin que la saucisse obtienne toute cette saveur fumée typique et ce merveilleux arôme. Chez un autre charcutier, cette méthode de fumaison dure 4 jours et 4 nuits. Chaque nuit, le taux d’humidité est abaissé et la température de l’air augmentée – de 20° C au début jusqu’à atteindre 27° C la dernière nuit. Durant la journée, il sort les saucisses du fumoir afin de les refroidir. Après ce procédé, les saucisses sont encore entreposées un jour dans la chambre de maturation avant de pouvoir être commercialisées. Leur conservation avoisine les 30 jours.

Il existe cependant encore d’autres possibilités de maturation accélérée. Avec l’ajout de substances accélératrices, la saucisse devient consommable en très peu de jours. Avec cette manière de faire, la saucisse n’obtient pas sa saveur très typique et elle se conserve moins longtemps. Son goût devient rapidement aigre et piquant.

Consommation

Aujourd’hui, le schüblig paysan est produit toute l’année. Il est particulièrement apprécié dans les plats de viande froide ou pour le pique-nique. D’après le charcutier interrogé, il serait davantage consommé durant les mois d’hiver. De nos jours, il ne fait plus vraiment partie des produits phares de l’assortiment de charcuterie comme il y a encore quelques années. Cela est probablement dû au fait que la saucisse est aujourd’hui plutôt consommée crue. Dégustée chaude, elle accompagne la choucroute ou les haricots aussi bien qu’un morceau de pain avec de la moutarde.

Importance économique

Pour les différents charcutiers interrogés, c’est un produit important dans leur assortiment de saucisses crues.

Sources

  • Atlas der schweizerischen Volkskunde,   Weiss, Richard und Paul Geiger,   Basel,   1950.  
  • Schweizerisches Idiotikon. Wörterbuch der schweizerdeutschen Sprache,   Staub, Friedrich et al.,   Frauenfeld, Achter Band,   1920.  
  • Koch, Hermann,   Die Fabrikation feiner Fleisch- und Wurstwaren,   Fleischermeister Hermann Koch,   Frankfurt,   1952.  
  • Meyer, Kurt,   Duden. Wie sagt man in der Schweiz? Wörterbuch der schweizerischen Besonderheiten,   Mannheim, Wien, Zürich,   1989..  
  • Fleischacten B6: Fabrikation und Untersuchung von Würsten. Wurstereien 1874-1909,   Staatsarchiv Basel,   1874-1909.  
  • Messikommer, Heinrich,   Aus alter Zeit. Bäuerliche Speisekarte im zürcherischen Oberlande bis ca. 1840. Band III,   Orell Füssli Verlag,   Zürich,   1911.  
  • Braun, Rudolf,   Sozialer und kultureller Wandel in einem ländlichen Industriegebiet,   Eugen Rentsch Verlag,   Erlenbach,   1965.  
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Epicentre de production

Suisse alémanique. Spécialement la Suisse orientale, les régions autour de Zurich, des parties des cantons d’Argovie et de Lucerne, les cantons de Bâle et de Berne.

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