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Eau-de-vie de poire du Valais (AOP)

Eau-de-vie de poire du Valais (AOP)

En bref

La "Bon Chrétien Williams", appelée aussi tout simplement Williams, est une poire très appréciée en Valais. Allongée, de forme légèrement conique à la base, sa peau lisse et sèche prend, à maturité, une teinte vert-jaunâtre à jaune, pigmentée de petits points et de taches couleur rouille. Elle est souvent aussi appelée "beurrée" du fait de sa pulpe onctueuse et fondante.

Sa chaire blanche, onctueuse et juteuse ainsi que sa saveur très prononcée et légèrement acidulée en font une poire de table très appréciée. Mais en Valais, on en tire surtout une eau-de-vie particulièrement appréciée des amateurs de spiritueux. Celle-ci est inscrite au registre fédéral des Appellations d’origine protégée (AOP) depuis 2001. Un cahier des charges déposé à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) décrit les exigences à respecter pour bénéficier de l’Appellation.

Description

Eau-de-vie blanche élaborée à base de poire Williams. Le goût de poire est intense, légèrement herbacé.

Variantes

Afin de favoriser la fermentation, on peut utiliser de la levure. On peut également ajouter de l'acide phosphorique et de l'acide lactique afin de réguler le taux d'acidité. Enfin, il est possible d'ajouter du sucre au distillat.

Ingrédients

Poires Williams, acide phosphorique (facultatif), acide lactique (facultatif), levure (facultatif), sucre (facultatif)

Histoire

Il existe deux versions différentes des origines de la poire "Bon Chrétien Williams". Selon la première, le qualificatif "Bon Chrétien" proviendrait de François de Paul, saint homme appelé par Louis XI, agonisant, pour le soigner. Celui-là aurait alors offert à celui-ci une semence de poirier de sa Calabre natale. Le poirier qui poussa fut baptisé "Bon Chrétien". A la fin du 18e siècle, la variété aurait été implantée en Angleterre et aurait pris le nom d’un jardinier nommé Williams. Selon la seconde version, la poire Williams serait l’œuvre de Mr. Stair Wheeler, instituteur à Aldermaston (Berkshire), qui l’aurait obtenue vers 1796. Ce n’est ensuite que vers 1816 qu’un pépiniériste du nom de Williams de Turnham Green, basé près de Londres, aurait commencé à répandre cette variété.

En ce qui concerne le Valais, les premières mentions écrites concernant la culture des poires ont été collectées par Bernard Vauthier, auteur d'un article sur « Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires »  dans l'ouvrage Alimentation traditionnelle en montagne (2005). Il y est question de la vente d'un poirier de la variété Grasset à Salins 1415. Dans la Description du Département du Simplon ou de la ci-devant République du Valais (1812), le Dr. Hildebrand Schiner évoque quant à lui «Les superbes vergers, bien arborisés et garnis de toute sorte d’arbres fruitiers de Martigny (…).". Ce n'est toutefois qu'en 1904, chez le "père Rezet", à Riddes, que l'on voit apparaître le premier verger de Williams. Notons encore que ce n’est qu’après les travaux d’endiguement du Rhône, entrepris dès 1864, que la culture fruitière s’est développée en Valais.

En 1940, Francis Germanier, viticulteur valaisan, plante quelques hectares de poiriers dans son domaine de Balavaud. Il choisit la variété la "Bon Chrétien Williams" qui, à cette époque, est essentiellement d’une poire de table. En août 1945, une tempête met tous les fruits, quasiment mûrs, à terre, rendant la récolte impropre à la commercialisation. Afin de minimiser les pertes, l’infortuné propriétaire décide de ramasser les fruits les plus beaux et les plus mûrs et de les laisser mûrir encore quelques temps avant de les distiller. Le résultat dépasse toutes les attentes et les heureux consommateurs de cette eau-de-vie née des hasards climatiques convainquent Francis Germanier de se lancer dans une production régulière. L’eau-de-vie de poire Williams connaît ainsi un certain succès, mais qui ne dépasse guère un petit cercle d’habitués de la région. C’est grâce à la distillerie Morand que l’eau-de-vie de poires acquiert une renommée internationale. Implantée à Martigny depuis 1889, cette maison dépose en 1953, la marque "Williamine"; ce spiritueux deviendra l’un de ses produits phares.

Notons que l’histoire de la distillation des poires Williams dans la région de Lyon (France), telle que l’expose l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France (volume Rhône-Alpes, 1995) est très semblable à l’histoire valaisanne : poire de table, la Williams est distillée pour la première fois dans les années 1930 par un arboriculteur des environs de Vienne, suite à des méventes successives du fruit frais. L’eau-de-vie correspondante est remarquée par quelques clients, qui la goûtent fort. Mais son développement ne "décolle" qu’à partir des années 1950. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France ajoute cette remarque "Aujourd’hui, le nombre de producteurs est retombé à une demi-douzaine environ. La proximité de la Suisse n’est pas étrangère à cette destinée: la maison Morand, de Martigny, fabrique la Williamine dès les années 1950".

A l’heure actuelle, les autorités tentent de diminuer la surface de culture de poires Williams de 50 hectares d’ici 2009. Elle connaît en effet quelques difficultés sur le marché et les eaux-de-vie, d’une manière générale, subissent également une baisse de consommation ces dernières années.

Production

Les poires Williams sont cultivées dans la plaine du Rhône. Il existe quatre secteurs de culture principaux bien distincts, avec leurs propres caractéristiques: Sierre-Sion, Sion-Riddes, Riddes-Martigny, Martigny-Vernayaz.

Elles se cultivent soit en haute tige, soit en espalier, soit en basses tiges. C'est cette dernière option qui est la plus répandue. Un arbre nécessite quatre ans de soins avant de donner ses premiers fruits. La pleine production n'est atteinte qu'au bout de six à huit ans et dure environ vingt à vingt-cinq ans.

Le poires sont récoltées vertes dès le 20 août et ce sur une période de trois semaines environ. Elles deviennent jaunes après 15 jours. Au réfrigérateur, elles peuvent se conserver deux mois.

Comme nous l'avons vu plus haut, l'eau-de-vie de poire du Valais est enregistrée comme AOP depuis 2001. Le cahier des charges interdit toute autre matière première que la poire Williams du Valais.

Les fruits sont cueillis à maturité ou encore verts mais se détachant facilement des branches. Ils sont ensuite stockés dans des caissettes jusqu'à complète maturité. Les poires doivent être jaunes et juteuses sans être blettes, ne pas présenter de moisissures, pourritures et autres souillures et exemptes de déchets, comme du bois, des feuilles ou la tige. Elles sont ensuite broyées dans des tonneaux. Selon le cahier des charges AOP, le broyage doit s'effectuer au plus tard au 31 octobre.

L'acidification de la purée, toujours selon le cahier des charges AOP, s'effectue à l'aide d'acide phosphorique et d'acide lactique exclusivement. Au bout du compte, le pH doit se situer entre 2.8 et 3.2. L'utilisation de levures et d'enzymes purs, sous forme sèche ou liquide, est autorisée. Ces produits favorisent la fermentation. La levure peut être activée par du phosphate d'ammonium. Lors de la fermentation, la température doit se situer entre 15°C  et 25°C, la température idéale se trouvant à mi-chemin, c'est-à-dire à 20°C. La purée doit être brassée régulièrement. Lorsque la fermentation est terminée, les tonneaux doivent soit être remplis complètement avec de la purée fermentée puis fermés hermétiquement soit leur contenu doit être distillé immédiatement. Le cahier des charges AOP autorise également un recapage (remplissage complet du contenant) avec de l'eau acidifiée à raison de 5% du volume total. Une fois de plus, seuls les acides lactiques et phosphoriques peuvent être utilisés.

La distillation doit s'effectuer le plus rapidement possible mais le produit peut être stocké jusqu'au 31 mai de l'année suivant la récolte. Les tonneaux sont stockés à une température de 18°C  maximum. La tête de distillation (la première quantité d'alcool obtenue) ainsi que les flegmes (queue de distillation) sont récoltés séparément et redistillés. La tête de tête (représentant 5%à 15% de la tête), doit être éliminée. Le degré moyen du coeur (milieu) de la distillation doit se situer au minimum à 60% vol. Une fois la distillation terminée, le distillat est réduit à l'aide d'eau déminéralisée ou d'eau de source à faible teneur en sels minéraux. La teneur minimale en alcool tolérée par le cahier des charges AOP est de 40% vol. Le sucrage est autorisé à raison de 5g/litre. L'eau-de-vie doit ensuite reposer au minimum 6 mois avant sa mise en bouteille et commercialisation. On peut également des bouteilles d'eau-de-vie de poire Williams contenant une poire.

Consommation

Comme toutes les eaux-de-vie, l’eau-de-vie de poires du Valais se consomme généralement comme digestif, dans des verres d’un ou deux centilitres, en fin de repas. La consommation de ce spiritueux est en déclin quantitatif : elle suit une tendance générale à la désaffection des eaux-de-vie blanches, à laquelle la baisse du taux d’alcool admis pour la circulation routière n’est pas étrangère. Bien que consommée en quantités plus réduites, elle reste toutefois très appréciée et réputée.

Importance économique

Si les débuts de l’eau-de-vie de poire Williams furent relativement modestes, son expansion fut fulgurante. Ainsi on passe de 814'601 kilos de poires Williams distillées en 1956 à 3'600'000  kilos seulement deux années plus tard ! Et depuis 1966 c’est, en moyenne, le 80% à 85% de la production de poires Williams valaisannes qui est distillé. Le reste est écoulé comme poire de table. En 2004, 211 producteurs valaisans ont fournit 6’000 tonnes de poires Williams, ce qui donne environ 480'000 litres d’eau-de-vie. La production dépendant fortement des aléas climatiques, elle varie grandement d'une année à l'autre.

L’eau-de-vie de poires Williams est généralement conditionnée en bouteilles de 2 cl, 2.5 cl, 1 dl, 2 dl, 3.5 dl, 5 dl, 7 dl, 7.5 dl et 1.5 dl. Le cahier des charges AOC n’autorise d’ailleurs pas d’autres formats, à l’exception du litre, toléré uniquement pour l’exportation.

Une bouteille de 70 cl coûte généralement dans les 35 à 45 CHF. Compter 10 à 15 CHF de plus pour une bouteille contenant une poire.

... et enfin

On trouve des bouteilles d'eau-de-vie de poire Williams du Valais contenant une poire. Pour ce faire, on procède comme suit: les bouteilles sont préparées durant l'hiver. On leur met un filet ainsi qu'un suspens en fil de fer. Vers la mi-mai, on enfile la poire - alors suffisamment formée - dans la bouteille, que l’on attache à l’arbre. Les branches doivent être nettoyées au préalable. Le tout doit être fait en une dizaine de jours. Au-delà de ce laps de temps, les poires auront trop grandi pour rentrer dans les bouteilles. Ces dernières doivent être surveillées tout l'été. Il faut s'assurer qu'elles soient bien droites et que l'humidité ne pénètre pas: un peu de buée suffit à tacher la poire, qui ne sera alors plus utilisable.

Les poires doivent être cueillies avant qu'elles ne jaunissent. Le taux de réussite est très variable. Une productrice citée dans un article paru le 15 mai 1989 dans le magazine Terre valaisanne l'affirme: "[u]ne bonne année, vous obtenez 35 à 40% de réussite. Les mauvaises 15% environ."

Avant de remplir la bouteille d'eau-de-vie, on utilise une solution de SO2 afin de favoriser la conservation de la poire.

Sources

  • Des fruits et des légumes du Valais,   OPAV,   1962.  
  • Nouvelliste,   2005.  
  • Nouvelliste,   2006.  
  • www.lapoire.ch.  
  • © Association Suisse des AOP-IGP,   Photo poire William.  
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Epicentre de production

Canton du Valais

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