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Hefegugelhopf

Kugelhopf, Kogelhupf, Türkenbund, Baba, Napfkuchen

Hefegugelhopf

En bref

Le Hefegugelhopf est un gâteau levé à base de levain façonné dans un moule à gugelhopf. Il se décline en version sucrée ou salée. Le Hefegugelhopf sucré est à base de baies de raisin (raisins, raisins sultans ou raisins de Corinthe) et saupoudré de sucre glace ou recouvert d’un glaçage au sucre ou au chocolat. La version salée est principalement à base de lardons auxquels on ajoute souvent des noix.  Le Hefegugelhopf est une spécialité de la région bâloise et alsacienne où on le trouve dans presque toutes les boulangeries. Il est principalement fabriqué dans les ménages privés, mais on en produit aussi dans le reste de la Suisse. 

Le nom de Gugelhopf se réfère à la forme du gâteau : le « Gugel » était un simple capuchon qui recouvrait la tête des travailleurs durant les 14 et 15e siècles. C’est une cape surmontée d’un capuchon pointu. On pouvait simplement laisser pendre la pointe de la capuche ou l’enrouler autour de la tête comme un turban. La forme du Gugelhopf devait alors ressembler à cette dernière façon de porter la capuche. Le terme « hopf » désigne le fait que le gâteau « monte » (hüpfen = sauter). Dans l’Idiotikon (recueil des dialectes suisses alémaniques), la description élargie du Gugelhopf le présente aussi en tant que Bierbrot (pain de bière). On le retrouve aussi sous ce nom dans le « Neues Berner Kochbuch » (Nouveau livre de cuisine bernoise) de Lina Rytz datant des années 1840. Toujours dans l’Idiotikon, il est écrit : « Sur le dessus, de la forme d’une tête ou d’un chapeau arrondi, ce gâteau de pain qui a levé grâce à la levure de bière, la farine, du lait et des œufs et dans lequel ont été ajoutés des raisins ou baies de raisin ». D’autres noms sont aussi utilisés pour ce produit de boulangerie, « Guggis-Gäuggel », « Gugel-Kopf » et « Türggen-Bund ».

Description

Produit de boulangerie à base de levure, façonné selon la forme d’une jatte. On en trouve de plusieurs grandeurs variant de 300 g à 1.6 kg.

Ingrédients

Farine, lait, sucre, beurre, raisins sultans, œufs, levure, sel, ou sans sucre avec du lard et des noix.

Histoire

La plus ancienne mention du Gugelhopf, sur le territoire suisse alémanique, se trouve dans le livre de recettes de 1691 «Vollständigen Nürnbergischen Kochbuch» (L’intégrale des recettes de cuisine de Nürnberg). Selon le critique culinaire bâlois Albert Spycher, le Hefegugelhopf ressemble plutôt à une sorte de pain car sa pâte est préparée avec du levain mais sans saindoux ni sucre, ni raisins. Il semblerait que le Gugelhopf était déjà connu depuis longtemps, sur le territoire allemand, comme le décrit Johann Christoph Thiemen dans son ouvrage datant des années 1700 « Haus-, Feld-, Artzney-, Koch, Kunst- und Wunderbuch » (Le livre des miracles, ménager, agricole, médicinal, culinaire et culturel).  La spécialiste en pâtisserie Krauss montre que, dès 1700, le Gugelhopf s’est répandu dans les pays alpins pour arriver en Suisse durant le 18e siècle.Apparemment, le Gugelhopf revêt une tradition particulière dans la ville de Bâle et on y trouve aussi la toute première source suisse. C'est une source très inhabituelle, à savoir une épitaphe dans le mur du cimetière de Saint-Théodore de Bâle. L’épitaphe est dédiée à Johann Friedrich Wohnlich (env. 1711-1791), artiste boulanger durant 60 ans à Bâle : « Durant ses nombreux voyages, il s’initia de cet art et confectionna des Gugelhopfs de toutes les tailles. Comme il était l’unique fabricant de ce genre de produit, les amateurs de douceurs affluaient chez lui. » Il existe un cliché négatif de cette dalle dans les archives de la ville de Bâle.Le Gugelhopf fut intégré dans l’alimentation bâloise dès 1877. Amalie Schneider-Schlöth, auteure du « Basler Kochschule » (Ecole de cuisine bâloise), marqua la recette du Hefegugelhpf d’un astérisque*, ce qui signifiait qu’elle faisait partie des recettes typiquement bâloises. Dans le « Neues Familie-Kochbuch » (Nouveau livre de recettes familiales) publié en 1900, on peut lire « Gugelhopf bâlois » ou «Baba à la manière de Bâle ». Le Gugelhopf est depuis longtemps apparenté aux anniversaires et aux «Zobetrinke». Dans l’ouvrage «Erinnerungen einer Baslerin» (Souvenirs d’une bâloise) datant du milieu du 19e début du 20e siècle, on découvre comment étaient fêtés les anniversaires des enfants : « … chacun recevait son Gugelhopf; un oubli était impensable. Pour le goûter ou le «Zobetrinke» on dégustait des Zwiebacks ou autres pièces sèches à base de farine blanche sucrée. Ces pièces avaient la forme des bien connus «Gugelhepfli», des «russes» ou encore de «Schwebli» non sucrés, poursuit l’auteure bâloise. Albert Spycher a comparé deux douzaines de recettes familiales bâloises et constate que les raisins sont indispensables, les amandes facultatives, les zestes de citron exceptionnels. La farine, le beurre, les œufs et le lait ne devaient surtout pas sortir du réfrigérateur mais avoir une température ambiante. Durant le 18 et 19e siècle, on trouve le Hefegugelhopf également dans d’autres régions de Suisse alémanique. Selon Albert Hauser, il apparut déjà au 18e siècle à Zurich en tant que pâtisserie de fête. Dans le recueil de recettes du glaronnais Othmar Blumer-Paravicini (1er semestre du 19e siècle), on découvre une recette du Gugelhopf, de même qu’à Frauenfeld selon une recette datant de 1824 de Catharina Fehr. 

Durant les 18 et 19e siècles, les Gugelhopf se confectionnaient aussi bien dans les ménages privés que dans les boulangeries. Chez les bourgeois des zones urbaines, le Gugelhopf est consommé pour accompagner le café lors d’occasions festives ou particulières. Au début du 19e siècle, le kouglof maison était considéré comme un symbole de réussite sociale de la bourgeoisie citadine. Sa forme typique a un caractère symbolique dans cet environnement bourgeois. Dans le monde agricole, le Gugelhopf était considéré comme un produit de fêtes et n’était la plupart du temps dégusté que le dimanche des jours fériés comme à Pâques, Noël ou lors de mariages ou occasions très particulières.


Andreas Morel se base sur l’image d’un portrait du début du 19e siècle pour montrer que des moules à Gugelhopf en cuivre étaient suspendus aux murs des cuisines bâloises les plus réputées. En raison du prix encore très élevé du sucre jusque vers la moitié du 19e siècle, il était utilisé par les ménagères avec parcimonie. A partir du début du 19e siècle, il n’existe pratiquement aucun livre de cuisine qui ne contienne une, voire plusieurs recettes de Gugelhopf.

Production

Le boulanger-confiseur que nous avons interrogé prépare son levain en début de soirée. Il mélange la farine, le lait et la levure puis travaille l’appareil dans un pétrin à spirales jusqu’à obtention d’une pâte très fine. La pâte est ensuite déposée dans un plat creux durant environ 6 heures. La température idéale pour laisser reposer la préparation est de 22° C. Plus la durée de repos est longue, plus le Hefegugelhopf restera humide. Un long temps de pause influence aussi positivement l’arôme du Gugelhopf, nous confirme le producteur.A minuit, le boulanger-confiseur verse la seconde moitié du lait dans le pétrin à spirale, ainsi que le sucre et, selon la qualité de la farine un peu de farine de malt, une seconde portion de levure et la farine. Il bat ensuite les œufs avec un peu de sel pour qu’ils se dissolvent mieux. Lors de la préparation du levain, pour éviter les effets néfastes du sel sur l’effet de levage, il est important de ne l’ajouter qu’à la fin du pétrissage. Il ajoute ensuite les zestes d’un citron. Au 2/3 tiers du processus de pétrissage, il intègre le beurre froid puis, en fin de préparation, les raisins sultans. Ces derniers ont préalablement été lavés la veille par le boulanger puis mis macérer dans un mélange d’eau et de rhum. Les raisins ainsi marinés étant difficiles à intégrer dans la pâte, il les saupoudre d’un peu de farine. Pour éviter que les raisins ne se détachent de la pâte, il faut éviter de la travailler trop longtemps. Cette pâte souple est alors mise dans un plat creux recouvert d’un film plastique pour une durée de levage de 4 heures. Après 2 bonnes heures, la pâte a doublé de volume. Le boulanger-confiseur sort la préparation du plat et la pétrit une nouvelle fois pour stimuler les agents levants, puis dépose le tout à nouveau dans le plat pour terminer le processus de levage. 

Pour terminer, la pâte est versée dans la moitié du moule à Gugelhopf graissé. Elle lève une nouvelle fois durant 45 minutes. Selon la taille du moule et en fonction de chaque four, le temps de cuisson peut varier. Pour un Gugelhopf de taille moyenne, la durée est d’environ 30 minutes à 180° C.

Consommation

Dans le temps, on dégustait le Hefegugelhopf lors de baptêmes, mariages, fêtes annuelles, etc. Le producteur interrogé se réjouit qu’aujourd’hui encore il puisse faire le bonheur des hôtes lors de certains mariages en présentant ses Gugelhopf.Mais le Hefegugelhopf est aussi présent quotidiennement. Comme pour la plupart des pâtisseries, l’été n’est pas la saison la plus propice pour le Gugelhopf. Il se vend par contre particulièrement bien de janvier à mars. Le producteur se souvient que du temps de ses parents, par exemple, on servait plus souvent le Gugelhopf avec le café chez les particuliers car l’offre dans les boulangeries était beaucoup plus petite. Le Gugelhopf au lard est particulièrement apprécié à l’apéritif.

Importance économique

Le Hefegugelhopf est un produit standard de cette boulangerie. D’habitude il est fabriqué pour le week-end.

... et enfin

Le moule à pâtisserie caractéristique est rond et pourvu, à partir d'une certaine profondeur, de cannelures verticales, incurvées ou en forme de coquillage, garantissant une répartition régulière de la chaleur au cœur de la pâte et donc une parfaite cuisson. Jadis, ces cannelures étaient copieusement graissées avec du saindoux ou du beurre. On saupoudrait aussi l'intérieur du moule avec de la farine ou de la chapelure. On retrouve ces informations dans différentes recettes datant du 18 et 19e siècle. La particularité de ce produit est sa cheminée centrale. Mais dans les moules du 17e siècle, cette cavité n’existait pas encore, c’est pourquoi il présentait souvent un fond étiré plat. La cheminée ouverte fut intégrée au moule dès la fin du 17e siècle. Elle sert à diffuser la chaleur nécessaire pour une cuisson régulière de la pâte et donc pour la réussite du gâteau.

Sources

  • Meier, Eugen A.,   Das süsse Basel,   Buchverlag Basler Zeitung,   Basel,   1996.  
  • Riedl, Christine Charlotte,   Lindauer Kochbuch, für guten bürgerlichen und feineren Tisch eingerichtet (…),   Lindau,   1904.  
  • Morel, Andreas,   Basler Kost. So kochte Jacob Burckhardts Grossmutter,   Morel, Andreas,   Basel,   2000.  
  • Krauss, Irene,   Chronik bildschöner Backwerke,   Hugo Matthaes Druckerei und Verlag GmbH & Co. KG,   Stuttgart,   1999.  
  • Rilling, L.<BR />Weber, L. <BR />Thalmann, E. <BR />237,   Kochbuch der Koch- und Haushaltungsschule Winterthur,   Frauenverbund Winterthur,   Winterthur,   1933.  
  • Büchi, L.,   Heinrichsbader Kochbuch,   Art. Insitut Orell Füssli,   Zürich,   1897 (?)/ o.J.  
  • Gschwind, Rosina Maria,   550 Rezepte von Frau Pfarrer Gschwind,   Christkatholischer Medienverlag,   Basel,   2005.  
  • Ebert, Jenny Lina,   Schweizerköchin,   o.O.,   1873.  
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  • Messikommer, Heinrich,   Aus alter Zeit. Bäuerliche Speisekarte im zürcherischen Oberlande bis ca. 1840. Band III,   Orell Füssli Verlag,   Zürich,   1911.  
  • Schweizerisches Archiv für Volkskunde,   Schweizerische Gesellschaft für Volkskunde,   Basel,   1914.  
  • Schweizerisches Idiotikon. Wörterbuch der schweizerdeutschen Sprache,   Staub, Friedrich et al..  
  • Hauser, Albert,   Vom Essen und Trinken im alten Zürich,   Verlag Berichthaus,   Zürich,   1973.  
  • Jahrbuch des Historischen Vereins des Kantons Glarus, Heft 85,   Fridolin Druck und Medien,   Schwanden,   2005.  
  • Streiff, Hans Jakob,   Speis und Trank im alten Glarnerland,   Diesbach,   2004.  
  • Rauch, Anita,   Originalrezepte der alten Basler Küche,   Weltbild Verlag,   Düsseldorf/Zürich,   2002.  
  • Rytz, Lina,   Neues Berner Kochbuch,   Bern,   1840.  
  • Widmer, Anna<BR />Fülscher, Elisabeth,   Kochbuch der Privat-Kochschule Widmer Zürich,   Buchdruckerei J. Rüegg Söhne,   Zürich,   1928.  
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  • von einer Schweizer Hausfrau,   Was koche ich morgen? Ein Kochbüchlein für gesunde und kranke Tage,   Buchdruckerei Keller & Co.,   Luzern,   1916.  
  • Das Kochbuch der Catharina Fehr 1824,   Hux, Angelus, Müller, Walter,   Frauenfeld,   1998.  
  • Spycher, Albert,   Back es im Öfelin oder in der Tortenpfann,   Schwabe AG,   Basel,   2008.  
  • Schneider-Schlöth, Amalie,   Basler Kochschule,   Verlag von Friedrich Reinhardt AG,   Basel,   o.J. (ca. 1950).  
  • Lebey, Claude (dir.),   L’inventaire du patrimoine culinaire de la France: Alsace,   Ed. Albin Michel-CNAC,   Paris,   1998.  
  • Backmodel aus Bauern- und Bürgerhäusern,   Steiermärkisches Landesmuseum Joanneum, Aussenstelle Stainz,   1975.  
  • Zürcher Backkunst. Das Magazin der Bäcker- und Konditorenmeisterverbandes des Kantons Zürich,   Bäcker- und Konditorenmeisterverbandes des Kantons Zürich,   Zürich,   2004.  
  • Neues Familien-Kochbuch.  
  • Bryner, Silvia, Meier, Irène, Schindler, Regine,   Heidis Gugelhopf. Backrezepte aus Johanna Spyris Elternhaus,   Zürich,   2001.  
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Epicentre de production

Typique de la région bâloise, mais également fabriqué dans toute la Suisse. En Europe, c’est surtout l’Alsace qui est connue pour son Hefegugelhopf. Mais il est aussi répandu en Autriche et en Allemagne.
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