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Hörnli / Cornettes / Cornetti

Hörnli / Cornettes / Cornetti

En bref

Les cornettes sont des petites pâtes très prisées par les Suisses depuis environ un siècle. Parmi les multiples variétés de pâtes disponibles, les cornettes sont celles auxquelles on s'identifie le plus dans ce pays. Elles se présentent sous la forme de petits macaronis courbes qui sont utilisés dans des préparations très populaires: ainsi les fameuses cornettes à la viande hachée, les Älpler Magronen (gratin), les pâtes du chalet et autres soupes.

Bien que des formes de pâtes similaires existent dans les pays environnants, ces pâtes ne sont appelées Hörnli ou cornettes qu’en Suisse (alémanique et romande) et sont bien implantées dans les us et coutumes culinaires de ces deux régions. Les termes alémanique et romand sont équivalents et signifient "petites cornes", nom qui fait évidemment référence à la forme de la pâte.

Description

Petite pâte ressemblant à un macaroni recourbé. Forme: tuyau courbe, en forme de lettre C ou de coude, environ 1,5 cm de long. Couleur: jaune (plus intense s'il y a de l'œuf dans la pâte).

Ingrédients

Semoule de blé, eau, éventuellement œuf.

Histoire

L’origine des cornettes est liée à celle, bien plus ancienne, des pâtes alimentaires. Selon l’Atlante dei prodotti tipici: la pasta (2004), des traces de l’existence des pâtes ont été trouvées dans toute l’aire méditerranéenne et sur la Route de la soie, dès les premiers siècles de notre ère. Selon l’Atlante, les pâtes étaient à l’origine un produit de remplacement du pain: grâce au séchage, on pouvait les garder plus longtemps que le pain, qui était susceptible de subir l’attaque de parasites. Il s’agissait d’un produit de luxe que l’on ne produisait guère lorsque la farine se faisait rare.

Le célèbre Maestro Martino, cuisinier du 15ème siècle dans les cours des puissants de l’époque, en Italie, propose des recettes à base de pâtes dans son ouvrage intitulé Libro de arte coquinaria: on y trouve des " maccaroni romaneschi, maccaroni in altro modo, maccaroni siciliani e vermicelli " (macaronis à la romaine, macaronis d’une autre manière, macaronis siciliens et vermicelles). Maestro Martino était d’origine tessinoise (Val di Blenio) mais il avait exercé sa profession en Italie.

En Suisse, les pâtes sont connues au moins depuis le 18ème siècle: une note datant de 1731 témoigne de l’achat au monastère de Disentis d’un " torculum pro formandis macaronis ". Dans l’Encyclopédie d’Yverdon de 1770-1776, les pâtes sont mentionnées: " Les farineux non fermentés dont nous faisons usage le plus ordinairement pour notre nourriture, sont : (…) les pâtes d'Italie, comme sémoule, vermicelli, macarons, etc. dont on fait des cremes, des bouillies, des potages."

François de Capitani, dans son ouvrage Soupe et citrons, affirme que les pâtes sous l’Ancien Régime étaient des produits de luxe et publie une recette bernoise de la fin du 18ème siècle de macaronis cuits dans du bouillon et préparés avec du fromage râpé, des œufs et de la crème. Jakob Tanner dans Italienische "Makkaroni-Esser" in der Schweiz (1996), explique que c'était à Naples et à Gênes, centres principaux de production de pâtes en Italie, qu'on avaient développé une méthode dite "classique" pour le séchage des pâtes. Il fallait alors un mois pour cela. Ce processus fut rendu bien plus rapide avec l'industrialisation de la production, à partir du 19ème siècle (aujourd’hui, quatre heures suffisent). C'est également au 19ème siècle que l'on a commencé à utiliser des " formes " pour découper la pâte (au lieu de les faire à la main). Si, en Italie, la première fabrique de pâtes mécanisée naît en 1827, en Suisse la fabrication industrielle de pâtes alimentaires a débuté un peu plus tard. Selon le Die Teigwarenindustrie in der Schweiz d’Ernst Wildeisen (1929), la première usine recensée est active à Lucerne dès 1838. Autour de 1870, on recense une dizaine de fabricants en Suisse.

Toutefois, il semble que l’essor des pâtes en Suisse ne remonte qu’au 20ème siècle. Tanner, sur la base d’un document des années 1930, rapporte que dans les années 1870, à peine un quart de la population connaît cet aliment. En 1890, les pâtes ne représentent que 3% des aliments achetés, et elles restent assez chères. C'est dans les milieux prolétaires qu'on les consomme le moins. Avec le développement des voies de communication et de l’industrie, toutefois, la croissance économique attire dès les années 1870 des immigrés italiens qui popularisent les pâtes en Suisse. Le terme "Makkaroni" est d’ailleurs utilisé à l'époque pour désigner les travailleurs immigrés italiens. Ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale qu’on peut parler d’une vraie diffusion des pâtes. Les cornettes et d'autres formats de pâtes figurent d’ailleurs très souvent dans les menus des cantines des usines dans les années 1920, comme le montre Jakob Tanner dans son Fabrikmahlzeiten (1999).

Le supplément à la revue La vie économique de 1937, intitulé " La situation de l’industrie des pâtes alimentaires en Suisses " donne beaucoup d’informations concernant la fabrication de pâtes dans les premières décennies du 20ème siècle. On apprend ainsi, sur la base des recensements fédéraux des entreprises de 1905 et de 1929, qu’il y a eu pendant cette période une augmentation générale des exploitations actives dans le domaine: c’est notamment le nombre des fabriques qui a augmenté, alors que les petites exploitations, souvent associées à une boulangerie, ont diminué. Le recensement fédéral de 1929 atteste l’existence de 87 entreprises dont 42 industrielles.

Les données publiées dans l'Atlas de folklore suisse confirment d'ailleurs que les pâtes étaient consommées sur tout le territoire suisse dans les années 1930. En 1937, des fabriques de pâtes alimentaires sont établies partout en Suisse, sauf dans quelques petits cantons de la Suisse alémanique. À niveau industriel, la plus grande concentration de la fabrication était localisée en Thurgovie, suivaient Vaud, Lucerne, Berne et le Tessin (où par contre il y avait le plus grand nombre de petites entreprises).

Concernant les cornettes à proprement parler, la première mention dont nous disposons remonte à l’année 1872: dans une annonce publiée dans l’Intelligenz Blatt de Berne, on trouve des " Hörnli " parmi d’autres sortes de pâtes (" Maccaronis ", " Nudeln ",…) vendues dans un magasin. On peut supposer qu’il s’agissait de pâtes locales, étant donné qu’en 1885 une autre annonce spécifie qu’il s’agit bien de " Gutes inländische Teig-Waaren " ; dans la liste : " Maccaroni, Hörnli, Buchstaben, (…), Sternli, Nudeln, Fideli (…) ".

Dans les années 1920 elles sont vendues uniquement en vrac, alors que d’autres formes de pâtes sont déjà emballées en paquets. On commence à les vendre en paquets de 1kg parallèlement à celles proposées en vrac, à partir des années 1930. Les cornettes sont en 1937 des formes de pâte très courantes, au même titre que les macaronis, les nouilles, les vermicelles et les petites pâtes pour les potages (petites lettres, étoiles,…). Les cornettes sont d’ailleurs définies comme des produits " d’appel " en raison de leur prix réduit. Les coûts de production sont en effet relativement faibles. Le Bündner Kalendar de 1964 indique que à Avers, commune des Grisons située près de la frontière italienne, les Hörnli faisaient partie des aliments quotidiens plus répandus, avec les Makkaroni, le riz, la polenta,…Dans le canton d'Obwald, les cornettes étaient parfois consommées les vendredis, jusqu’à abrogation de la règle des vendredis maigres.

Aujourd’hui les cornettes constituent toujours un produit de consommation courante, que les Suisses consomment très volontiers. A la fin des années 1990, les nombreux producteurs de pâtes ont dû réunir leurs forces en fusionnant ; aujourd’hui il existe trois grands producteurs de pâtes en Suisse.

Production

La production des pâtes se déroule en trois étapes principales: la préparation de la pâte, le façonnage et le séchage.

Les cornettes se composent de semoule de blé dur, d’eau et éventuellement d’œufs. En Suisse, on préfère les cornettes contenant de l’œuf. Il existe trois calibres différents: petit, moyen et gros. La semoule pour la fabrication des pâtes provient de l’étranger, notamment d’outre-mer, car le blé dur ne pousse pas en Suisse. La farine est mélangée avec l’eau. Pour obtenir des pâtes plus riches, on ajoute l’équivalent d'au moins 3 œufs par kg de semoule (un œuf équivaut environ à 45 g). Les ingrédients mélangés passent à travers un tuyau où l’on élimine l’eau : se forme ainsi une pâte homogène. Ensuite, par une pression de 120-130 bars qui alimente une vis d'Archimède, " la " pâte est poussée vers une presse spéciale où sont découpées " les " pâtes selon la forme voulue.

La pâte est extrudée à travers une trafileuse, sorte de matrice qui lui donne forme. Il s'agit de grosses roues dotées des petits cylindres enchâssés de 2-3 cm de diamètre. Chaque cylindre est muni de plusieurs orifices selon le type de pâte que l'on veut obtenir. Pour les cornettes, la machine relâche la pression, ce qui fait courber le la pâte.

Des lames coupent les pâtes de la longueur voulue à sa sortie. Elles sont ensuite transportées par un tapis roulant dans des fours où elles sont séchées à une température d’environ 80°C et une humidité d'environ 85%. La durée de séchage peut varier de 4 heures à une dizaine selon la technologie de la machine utilisée. Pendant ce temps, les cornettes sont secouées constamment, afin éviter qu’elles ne collent entre elles pendant le processus.

Les pâtes sont ensuite emballées. Elles sont prêtes pour la vente.

Consommation

En Suisse, que ce soit dans les restaurants ou à la maison, il est fréquent que les pâtes soient consommées en plat principal, seules ou en accompagnement. Les cornettes accompagnent souvent la viande: ainsi dans le célèbre Ghacktes, plat emblématique surtout en Suisse alémanique où des cornettes " nature " sont servies à côté d’un hachis de bœuf.

Trois plats à base de cornettes (ou de macaronis) sont particulièrement célèbres en Suisse. Le plus connu est appelé "Älper Magroni" en Suisse alémanique ; on parle de "pâtes du chalet" en Suisse romande. Cette recette, surtout appréciée en Suisse alémanique et dans les préalpes romandes, est préparée dans les ménages, lors des fêtes publiques et aussi dans les restaurants qui le proposent dans leur carte. Il s'agit d'un mets à base de pâtes (cornettes, macaronis), de crème, de fromage, d'oignons et éventuellement de pommes de terre, servi - en Suisse alémanique - avec une compote de pommes.

Les "macaronis du chalet" constituent un plat connu surtout dans la Gruyère: les cornettes ou macaronis sont cuits avec des oignons; on rajoute en fin de cuisson de la crème double et du Gruyère râpé.

Célèbre dans la même région, la " soupe du chalet ", à base de cornettes, de pommes de terre, de légumes (épinards, carottes,...), de lait et éventuellement de crème et de Gruyère râpé.

Notons qu'en Italie, berceau culturel des pâtes, celles-ci constituent un plat à part entière, servi en début de repas. Comme le soulignent Flandrin et Montanari dans leur Histoire de l'alimentation (1996), elles ne sont jamais servies en accompagnement. 

Importance économique

Dans les années 1920-1930, la production indigène industrielle se situait autour de 30'000 tonnes par an. Les quantités importées n’étaient pas très importantes. Selon Ingrid Liebeskind Sauthier, dans l'article "Migros", publié dans le Dictionnaire historique de la Suisse, les pâtes étaient un des premiers articles distribués par les camions de Migros dès 1926.
Selon les statistiques fournies par SwissPasta, la production de cornettes de 2007 s'est élevée à 7'920 tonnes, ce qui représente environ  16% de la production totale de pâtes alimentaires. Sur le marché, on peut acheter les cornettes à environ 2.60 Fr. les 500 g et 3.30 Fr. pour la version contenant des œufs (2008).

... et enfin

Selon l’Histoire de l'alimentation de Flandrin et Montanari (1996), l’usage consistant à servir les pâtes avec de la sauce tomates apparaît tardivement: en Italie, au 18ème siècle, on ne trouve encore aucune recette mentionnant cet usage. En revanche, dans ce même pays, c'est le beurre qui est systématiquement associé aux pâtes, depuis le 17ème siècle déjà.

Sources

  • De Félice, Fortuné-Barthélemy,   Encyclopédie d'Yverdon, ou Dictionnaire universel raisonné des connoissances humaines,   Yverdon,   1770-1776.  
  • Flandrin, Jean-Louis <BR />Montanari, Massimo,   Histoire de l'alimentation,   Fayard,   Paris,   1996.  
  • Zanini de Vita, Oretta,   Atlante dei prodotti tipici: la pasta,   Agra Editrice e Rai Eri,   Roma,   2004.  
  • De Capitani, François,   Soupes et citrons. La cuisine vaudoise sous l'Ancien Régime,   Éditions d'en bas,   Lausanne,   2002.  
  • Intelligenz Blatt für die Stadt Bern,   1834-1888.  
  • Tanner, Jakob,   Fabrikmahlzeit : Ernährungswissenschaft, Industriearbeit und Volksernährung in der Schweiz 1890-1950,   Chronos Verlag,   Zürich,   1999.  
  • Teuteberg, Hans Jürgen,   Essen und kulturelle Identität, Europäische Perspektiven,   Berlin,   1997.  
  • Wildeisen, Ernst,   Die Teigwarenindustrie in der Schweiz: Inaugural-Dissertation,   A.-G. Buchdruckerei Fischer,   Münsingen,   1930.  
  • Commission fédérale d'étude des prix,   La situation de l'industrie des pâtes alimentaires en Suisse,   Département fédéral de l'économie publique,   Berne,   1937.  
Céréales Imprimer

Epicentre de production

Principales entreprises établies à: Mühledorf (SO), Huttwil (BE), Schwerzenbach (ZH), Morges (VD), Frauenfeld (TG), Kerns (OW), Quartino (TI).

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