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Schwartenmagen / Gelée de ménage, Tête marbrée, Fromage de Tête

Tête marbrée, gelée de ménage, fromage de tête, fromage de porc

En bref

Il existe de nombreuses déclinaisons de cette terrine à base de viande de tête de porc coulée en gelée, que l’on connaît sous des noms divers. Si le terme Schwartenmagen est dominant en Suisse alémanique, et si le terme fromage de tête est la référence du Français standard, on parle plutôt de "gelée de ménage" dans le Jura, "tête marbrée" dans le reste de la Suisse romande, "fromage de tête" ou "fromage de porc" en France ainsi que dans une partie de la Suisse romande, ou encore "tête pressée" en Belgique et Presskopf en Alsace.

Ce produit n'est pas propre à la Suisse, mais il y est traditionnellement très apprécié, d'où sa présence dans le présent inventaire. Une raison supplémentaire est la popularité toute particulière dont la tête marbrée et la gelée de ménage jouissent, respectivement dans les cantons de Vaud et du Jura. La gelée de ménage fait d’ailleurs partie des mets servis lors du repas jurassien de la Saint-Martin qui, en novembre, met à l’honneur le cochon sous toutes ses formes.

Description

Terrine élaborée à base de morceaux de viande de tête de porc coulés dans de la gelée. La gelée de ménage, ou de Saint-Martin, est coulée sur des tranches de viande pressée disposées sur assiette.

Variantes

Les morceaux de viande ainsi que les épices, herbes et légumes choisis varient d’un producteur à l’autre.

Ingrédients

Eau, assaisonnements, légumes, bouquet garni, sel, poivre, vinaigre et/ou vin, pieds de porc, museau de porc, couennes de porc, langue de porc, oreilles de porc, jarrets de porc (facultatif), jambonneaux (facultatif), pieds ou tête de veau (pour la tête marbrée uniquement, facultatif). Garniture (à volonté): œufs durs, cornichons, carottes en rondelles.

Histoire

L’inventaire du patrimoine culinaire de la France donne de nombreuses informations historiques sur le "Presskopf" (tête pressée), l’équivalent alsacien de la tête marbrée. "Voici encore un très vieux produit alsacien dont la spécificité a été reconnue, même par les charcutiers allemands. Toutefois, la recette alsacienne n’est pas sans antécédents allemands puisque la première recette "alsacienne" de cette spécialité se trouve dans une édition imprimée à Strasbourg en 1516 d’un petit traité de cuisine allemande, le Kuchenmeisterey, qui donne la recette du "Gebreszten Schweinkopf", ou tête de porc pressée […]. […] Au second Empire, les francophones désignent cette spécialité sous l’appellation "fromage de porc", "fromage de tête" ou "galantine de tête".". 

Concernant la Suisse, les premières attestations écrites connues concernant ce produit remontent au milieu du 18è siècle: une recette "Tete marbree zu machen" (sic) se trouve dans le Bernerisches Koch-Büchlein de 1749, deux autres figurent dans le Recueil de bonnes Recettes fait en 1756 & Suivants de Gaulis. L’usage du Français dans le titre de la recette du Bernerisches Koch-Büchlein n’est guère surprenant eu égard au contexte de l’époque, marqué par des relations très étroites entre la bourgeoisie bernoise et les villes de Lausanne, Neuchâtel, ou Genève. Il ne prouve pas l’origine romande de la recette, quoiqu’il le suggère.  

Au 19è siècle, on trouve la recette d’une "tête marbrée" en tous points identique à celle que l’on peut déguster encore à l’heure actuelle dans un ouvrage de Lina Rytz datant de 1853, et intitulé La bonne cuisinière bourgeoise ou Instruction à préparer de la meilleure manière les mets usités soit dans la vie ordinaire, soit pour des occasions de fêtes. Le titre de l’ouvrage est explicite: on peut en déduire que les produits et mets répertoriés à l’intérieur de l’ouvrage font déjà partie du quotidien des ménages. On trouve d’autres mentions plus tardives dans La cuisine pratique d’Albert Maillard (édition de 1885), le Dictionnaire universel de cuisine pratique de Joseph Favre (1894) et La jeune ménagère : journal destiné aux jeunes filles (1895).

Concernant le 20ème siècle, plusieurs témoignages oraux et écrits permettent d’affirmer que le fromage de tête et ses variantes ont été et restent solidement implantées dans la plupart des régions de Suisse.

Production

Nous fondons cette section essentiellement sur les pratiques observées dans les cantons de Vaud et du Jura. Tout d’abord, faire dégorger les viandes, soit en les mettant tremper dans une bassine d’eau, soit en les passant à l’eau courante, afin d’éliminer les impuretés et le sang résiduel. Les mettre à cuire à l’eau environ une heure en éliminant les impuretés  ou cuire environ 15 minutes, vider l’eau, rincer la viande puis la recouvrir d’eau fraîche. Ajouter des légumes (par exemple oignon, poireau, carotte), des herbes et épices (persil, laurier, poivre, clous de girofle), du sel et du vinaigre ou du vin blanc. Laisser mijoter le tout durant plusieurs heures à feu doux.

Les recettes de tête marbrée préconisent souvent une cuisson de 4, 5 voire 6 heures alors que celle de gelée de ménage mentionnent généralement plutôt 3h30 à 4h30 de cuisson. Pour une très grande quantité, la durée de cette dernière est prolongée à 5 ou 6 heures.

Séparer ensuite la viande des os et du cartilage et la couper en morceaux. Ajouter du sel et du poivre, mettre dans un moule (terrine) ou un torchon puis sous presse. Une fois refroidi, on obtient la tête marbrée, c’est-à-dire des morceaux de viande en gelée.

C’est ensuite que la gelée de ménage trouve sa spécificité par rapport à cette dernière. En effet, le bouillon de cuisson est passé au tamis puis mis au frais. Lorsqu’il est pris en gelée, il est soigneusement dégraissé. Il est ensuite réchauffé pour être éclairci avec du blanc d’œuf battu après quelques bouillons. Il est ensuite filtré à travers un linge. Ajouter du vin blanc et du sel si nécessaire. La viande pressée est coupée en tranches et placée au fond d’une assiette, décorée à volonté de rondelles d’œuf dur et de carottes cuites ainsi que de cornichons puis recouverte de gelée.

La tête marbrée, quant à elle, est directement prête pour la vente ou la consommation une fois démoulée. Elle sera ensuite débitée en tranches.

A noter qu’un certain nombre de bouchers n’utilise plus de pieds de porc, la viande étant trop difficile à séparer des os de ces derniers. On ajoute parfois de la tête ou des pieds de veau lors de la cuisson de la viande mais elle ne sert qu’à "faire la gelée". La tête marbrée comme la gelée de ménage ne contiennent que de la viande de porc. Certaines recettes de tête marbrée recommandent d’ajouter un foie de bœuf lors de la cuisson de la viande, afin de lui donner une couleur plus rouge. D’autres auront recours au sel nitrité pour obtenir le même effet. Ajoutons enfin qu’à l’heure actuelle, de nombreux bouchers utilisent de la poudre à gelée plutôt que de la confectionner eux-mêmes. Il n’est donc pas nécessaire, dès lors, de faire cuire des couennes avec la viande.

Consommation

La tête marbrée est consommée froide, si possible directement à sa sortie du réfrigérateur, coupée en tranches épaisses. On la mange généralement telle quelle, avec du pain, lors d’un repas froid ou comme casse croûte.  Elle se fabrique toute l’année. Certains producteurs interrogés ont même mentionné le fait qu’ils en vendaient davantage en été, période durant laquelle les repas froids ont plus souvent cours qu’en hiver.

La gelée de ménage jurassienne est toujours vendue coulée dans une assiette, prête à la consommation. Elle fait partie du repas de la Saint-Martin (11 novembre). Traditionnellement, on la servait le soir, ou en entrée à midi pour les convives ne restant pas souper. La gelée de ménage n’était préparée que de la Toussaint à Nouvel an. A l’heure actuelle, sa période de production s’est quelque peu élargie, bien qu’elle reste un mets d’hiver. En effet, les bouchers jurassiens n’en produisent qu’à partir du mois d’octobre au plus tôt jusqu’aux mois de février ou mars, selon les producteurs.

Importance économique

La production totale de tête marbrée et de gelée de ménage échappe à toute statistique précise. Les petites boucheries artisanales que nous avons interrogées en font quelques kilogrammes par mois. Au Jura, vu la présentation de la gelée de ménage, on compte en assiettes : 2000 par an chez un artisan boucher que nous avons rencontré (compter 200g par assiette, sans le poids de l’assiette, dont beaucoup de gelée).

... et enfin

A l’heure actuelle, dans la plupart des boucheries jurassiennes, la gelée de ménage est conditionnée dans des assiettes en plastique. Quand ces dernières n’étaient pas encore répandues ou n’existaient pas encore, les clients amenaient leurs propres assiettes chez le boucher pour y faire couler la gelée. Elles leur étaient ensuite livrées à domicile.

Sources

  • Association des paysannes jurassiennes,   Vieilles recettes de chez nous (vol.1),   199?.  
  • Beuret-Frantz, Joseph,   Autour de la crémaillère : notes et propos gastronomiques sur la bonne cuisine dans le Jura bernois,   Pro Jura,   1945.  
  • Knecht, Pierre,   Dictionnaire suisse romand,   Zoe,   1997.  
  • Vouga, J.-P.,   Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud - vol.11,   Editions 24 Heures,   Lausanne,   1984.  
  • Gonet, W.,   Les recettes de ma grand-mère,   Editions Mon Village,   Vulliens,   2000.  
  • Bernerisches Kochbüchlein (Faksimile Nachdruck),   Bern,   1970.  
  • Fonds Encyclopédie illustrée vaudoise.  
  • Le patrimoine culinaire romand,   Centre international de Glion,   Glion,   1982.  
  • Lebey, Claude (dir.),   L’inventaire du patrimoine culinaire de la France: Alsace,   Ed. Albin Michel-CNAC,   Paris,   1998.  
  • Association pour la sauvegarde du patrimoine jurassien (Aspruj),   l'Hôta n° 16,   1992.  
  • Rytz, Lina,   La bonne cuisinière bourgeoise,   C. Rätzer,   Berne,   1853.  
  • Gaulis, R.,   Recueil de bonnes recettes fait en 1756 et suivantes,   1756.  
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Epicentre de production

Suisse entière. La tradition est particulièrement vivace dans les cantons du Jura (gelée de ménage) et de Vaud (tête marbrée).

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