Langue
Recherche

Sèche, Gâteau à la sèche, Gâteau au beurre

En bref

Dans les cantons de Vaud et Neuchâtel, les termes "sèche" et "gâteau au beurre" désignent des gâteaux ronds salés à pâte fine. Ces appellations peuvent cependant recouvrir des produits assez différents; et le même produit est parfois désigné indifféremment par les deux dénominations! Ainsi, selon les personnes et les lieux, un gâteau réalisé à partir de pâte brisée et garni de beurre peut aussi bien être appelé "gâteau au beurre" que "sèche au beurre". Mais pour une majorité des personnes que nous avons interrogées et des livres de recettes, le gâteau au beurre désigne un gâteau réalisé à partir de pâte à pain, garni de beurre et cuit peu de temps à très haute température, au-delà de celles atteintes par les fours conventionnels.

Quant à la sèche, elle peut être réalisée à partir de pâte à pain, de pâte brisée ou de pâte feuilletée. Le terme "sèche" ou "sèche au…" ne se trouve que dans le canton de Neuchâtel. Dans le canton de Vaud, on parle de "gâteau à la sèche au lard", qui correspond à une des formes de sèche que l’on peut trouver dans le canton de Neuchâtel. Notons encore que si l’on confectionne des sèches dans tout le canton de Neuchâtel, dans le canton de Vaud, leur production est plutôt limitée aux régions viticoles.

Description

Gâteau au beurre: gâteau à base de pâte à pain, garni de noisettes de beurre, servi lorsque ce dernier est "noisette", c’est-à-dire fondu et légèrement bruni.

Sèche: gâteau à base de pâte à pain, de pâte brisée ou de pâte feuilletée, garni de noisettes de beurre ou badigeonné de beurre liquide et agrémenté.

Ingrédients

Eau tiède, sel, levure, sucre (facultatif), farine fleur/mi-blanche/complète, beurre, garniture à choix (lardons, cumin, sel, sucre, etc.). La garniture des gâteaux au beurre contient toujours du beurre, soit accompagné d’autres ingrédients, soit seul.

Histoire

Selon le Dictionnaire suisse romand, la première attestation du terme "sèche" date de 1861 et elle est vaudoise. Il s’agit d’une "substantivation de l’adjectif, la pâtisserie ainsi désignée se distinguant par son caractère sec et friable". Les attestations de la même époque présentées dans ce dictionnaire montrent qu’il s’agit bien de la même pâtisserie qu’aujourd’hui. Les sèches et gâteaux au beurre pourraient être plus anciens encore, car ils ont longtemps été intimement liés à la confection du pain. Lorsque les fours à pain étaient encore répandus dans les ménages et les villages, on cuisait les gâteaux au beurre et autres sèches avant de cuire le pain. On faisait alors brûler le bois dans le four puis on mettait un petit bout de pâte à pain à l’intérieur pour en tester la température. Si celle-ci était suffisamment élevée, on enlevait alors le bois pour y enfourner le pain puis les gâteaux aux fruits. Au fil du temps, le test s’est agrémenté de beurre et d’autres ingrédients, donnant naissance au gâteau au beurre et aux sèches. La cuisson de gâteaux pendant que le bois est encore dans le four permet de maximiser l’utilisation de ce dernier.

La confection des gâteaux au beurre s’est largement perdue avec la disparition des fours à pain familiaux et banaux. Au début des années 1970 déjà, Jacques Montandon, dans son ouvrage Neuchâtel à table, regrette la rareté des lieux où l’on peut encore en déguster. Si l’on n’a pas de four à bois, il faut un four spécial capable de monter à de très hautes températures. Ainsi, à notre connaissance, on ne peut trouver le gâteau au beurre dans le commerce que chez Weber à Valangin (la maison en produit depuis 1874).

Production

Gâteau au beurre

Délayer la levure dans l’eau tiède (24°C; au-delà de 30°C, la levure ne peut plus effectuer son travail) et y ajouter un peu de farine pour former un levain que l’on laissera reposer huit heures à température ambiante. Ajouter le reste des ingrédients pour la pâte et bien pétrir jusqu’à ce qu’elle soit lisse et ne colle plus aux bords du récipient. Laisser fermenter une fois de plus durant quatre à huit heures à couvert, ce qui permettra une abaisse très fine (environ un millimètre d’épaisseur).

Le gâteau au beurre se cuit très chaud, à environ 400 à 500°C pendant une minute grand maximum. Il s’agit là du gâteau au beurre dit traditionnel mais à l’heure actuelle, on le trouve agrémenté d’autres ingrédients combinés de diverses manières, comme le cumin, les lardons, les oignons, les champignons, le fromage pour les gâteaux salés et la cannelle, le chocolat noir ou au lait, le citron, le grand marnier, les pommes et le calvados pour les gâteaux sucrés.

Sèche

Il peut s’agir d’un gâteau au beurre agrémenté ou non de lardons et/ou de cumin que l’on cuit une première fois comme indiqué ci-dessus puis que l’on cuit une seconde fois avant de servir, ce qui donnera un gâteau plus sec.

On peut aussi élaborer une sèche à partir de pâte brisée. La pâte est donc élaborée avec les mêmes ingrédients que ci-dessus mais sans levain. Abaisser la pâte très finement, comme pour le gâteau au beurre et enfourner à 250°C pendant cinq minutes environ. On peut simplement cuire la pâte telle quelle (sèche), y ajouter des copeaux de beurre (sèche au beurre), des lardons mais pas de beurre (sèche au lard) ou encore du cumin avec ou sans beurre (sèche au cumin). On peut aussi mettre des lardons et du cumin mais pas de beurre… ou les trois en même temps! C’est principalement entre "sèche au beurre" et "gâteau au beurre" que se fait la confusion des appellations, certaines personnes prenant l’un pour l’autre ou n’établissant aucune différence entre les deux. Notons encore que l’on met généralement moins de beurre sur la sèche au beurre que sur le gâteau au beurre, afin qu’elle soit plus sèche. On peut aussi ajouter du sucre dans la pâte et/ou sur le gâteau pour en faire une sèche sucrée.

Le gâteau à la sèche au lard vaudois correspond à un hybride entre le gâteau au beurre et la sèche au lard. En effet, on le confectionne avec une pâte à pain mais on le cuit dans un four conventionnel, à 250°C. La garniture est constituée de lardons, de cumin et de sel. On peut aussi y ajouter un œuf. Cette variante n’a jamais été mentionnée pour la sèche neuchâteloise.

Pour ce qui est de la sèche élaborée à partir de pâte feuilletée, abaisser cette dernière pas trop finement, étendre au pinceau une bonne couche de beurre liquide, saler puis découper en losanges au moyen d’une roulette à tarte. On peut la cuire telle quelle pendant dix minutes au four préchauffé à 210°C ou y ajouter des lardons et/ou du cumin. Selon plusieurs personnes interrogées, les variantes à base de pâte brisée ou feuilletée sont plus récentes. La sèche "traditionnelle" est à base de pâte à pain ou de pâte levée. Selon les membres de l’Association des paysannes vaudoises interrogées, les sèches ne sont jamais élaborées à base de pâte feuilletée ou brisée dans le canton de Vaud. De plus, toujours selon elles, la fabrication des sèches dans le bassin lémanique et le Gros de Vaud remonte à quelques décennies seulement. Par contre, il s’en fait depuis très longtemps dans la Broye.

Consommation

Gâteau au beurre

Il se consomme "brûlant", dès sa sortie du four. Le beurre doit être encore liquide. Il est impératif de le consommer sur place et son transport est par conséquent impossible. A tel point que dans le salon de thé valanginois susmentionné, il faut même s’installer dans la salle à manger située au même étage que le four à bois si l’on veut en consommer. Cela afin que les gâteaux puissent être servis sans délai.

A l’heure actuelle, les gâteaux mesurant dans les 25 cm sont coupés en quarts tandis que ceux mesurant dans les 50 cm sont coupés en huitièmes ou en seizièmes. On le présente sur une grande planche arrondie, un peu à la manière de la flammenkueche alsacienne. Chaque convive tire, avec les doigts, une ou plusieurs tranches dans son assiette. On roule alors chaque tranche en partant de la pointe, vers le pourtour. Lorsqu’on le consommait dans les ménages, on le mangeait parfois entier ou coupé en deux. On le pliait alors, généralement en quatre. Dans tous les cas, on le mange avec les doigts.

"Le beurre, à peine noisette, a parfois tendance à dégouliner des commissures des lèvres, mais je crois que cet inconvénient fait partie intégrante du régal de la dégustation" estime Jacques Montandon. On l’accompagne généralement de vin blanc. Il constitue normalement un repas à part entière mais à l’heure actuelle, on peut aussi le consommer comme en-cas. Une boulangerie située en ville de Neuchâtel n’en fabrique d’ailleurs que les jours de marché. En effet, étant donné qu’il est impératif de consommer le gâteau au beurre immédiatement à sa sortie du four, on ne peut le garder, ne serait-ce que quelques minutes. Le marché entrainant une grande affluence, il permet un débit suffisant pour pouvoir vendre le gâteau au beurre en tranches et non entier. Dans le tea room susmentionné, à Valangin, on ne le consomme que comme repas à part entière.

Sèche

On la consomme plus souvent comme apéritif, surtout lorsqu’elle est confectionnée à partir de pâte feuilletée et sans beurre dans la garniture. Sous cette forme, on coupe généralement de petits losanges ou rectangles, de la taille d’une bouchée.

On peut aussi la couper simplement en tranches et la consommer en tant que repas à part entière, généralement le soir. On la consomme ainsi plutôt sous ses autres formes, c’est-à-dire plus proches du gâteau au beurre. Lorsque la sèche désigne un gâteau au beurre additionné d’autres ingrédients (lardons, cumin, etc.), on la consomme de la même manière que ce dernier.

Importance économique

Bien que rencontrant un vif succès chez les boulangers en produisant, le gâteau au beurre n’est guère plus confectionné que dans quelques rares commerces ou restaurants. Pour ce qui est des ménages, seuls les rares disposant encore d’un four à bois en fabriquent encore. Les contraintes liées à sa consommation, qui doit être immédiate, ne favorisent pas son expansion commerciale.

... et enfin

Le gâteau au beurre est assez proche de la tarte flambée alsacienne (Flammenkueche), également confectionnée avec de la pâte à pain et consommée brûlante, roulée ou pliée et avec les doigts. Elle a elle aussi connu un déclin avec la disparition des fours à pain familiaux, jusqu’au milieu des années 1960, lorsqu’un restaurateur eut l’idée de relancer le produit.

Notons encore que la pâte du toetché aux pommes de terre jurassien (voir fiche toetché) est aussi abaissée très finement et qu’on le consomme lui aussi soit roulé, soit plié.

Dans le canton de Vaud, durant la Seconde Guerre mondiale, on fabriquait des galettes de pommes de terre abaissées très finement, garnies de cumin, de sel et éventuellement d’un peu de beurre. Elles étaient cuites brièvement à four très chaud et mangées roulées ou pliées.

Quant à la sèche, on en fabrique également en Franche-Comté (France). Il s’agit d’un gâteau à base de pâte feuilletée, saupoudrée de sucre et légèrement caramélisée, d’une taille de 20 à 25 cm environ.

Sources

  • Atlas der schweizerischen Volkskunde,   Weiss, Richard und Paul Geiger,   Basel,   1950.  
  • Francis Grandjean,   Recettes du terroir neuchâtelois: De nos arrière-grand-mères au nouveau millénaire,   H. Meseiller SA,   Neuchâtel,   2002.  
  • North, Marcel<BR />Montandon, Jacques,   Neuchâtel à table. Légende, histoire et vérité de la gourmandise en pays de Neuchâtel,   Ides et Calendes,   Neuchâtel,   1973.  
  • Knecht, Pierre,   Dictionnaire suisse romand,   Zoe,   1997.  
  • --<BR />,   L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France: Franche Comté,   Albin Michel - CNAC,   Paris,   1993.  
  • Hubert J. Gross,   Trois lacs-Un Terroir: A table au pays de l’Expo.02,   Fragnières S.A.,   Fribourg,   2002.  
  • Vouga, J.-P.,   Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud - vol.11,   Editions 24 Heures,   Lausanne,   1984.  
  • Fonds Encyclopédie illustrée vaudoise.  
Produits de boulangerie et pâtisserie Imprimer

Epicentre de production

Cantons de Neuchâtel et de Vaud.

Map