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Taillé aux greubons (salé et sucré) / Griebenkuchen

taillé aux grabons ou grébons, rasure.

Taillé aux greubons (salé et sucré) / Griebenkuchen

En bref

Le taillé aux greubons est une pâtisserie salée contenant des "greubons", résidus solides de la fonte du lard gras en saindoux. Lorsque le bouchoyage se pratiquait encore dans les familles paysannes, les greubons et, par extension, le taillé qui leur est associé étaient plutôt préparés en automne, lorsque l’on tuait le cochon et faisait fondre sa graisse afin de la conserver dans des pots. Comme on ne laissait rien perdre, même les résidus issus de la fonte de la graisse étaient utilisés pour confectionner des mets ou produits divers, tel le taillé aux greubons. On pouvait également en obtenir chez le boucher durant toute l’année, ce qui est devenu plutôt rare à notre époque. On peut toutefois les cuisiner soi-même, en faisant fondre du lard de poitrine.

Le terme "greubons" et sa variante "grabons", relevés dans des écrits dès le début du 19ème siècle, sont connus dans toute la Suisse romande, mais aussi dans les régions françaises limitrophes. Toutefois, bien qu’il soit connu et fabriqué en d’autres lieux de Suisse romande, le taillé aux greubons est considéré comme une spécialité typiquement vaudoise. Le terme "taillé" est d’ailleurs utilisé pour d’autres spécialités vaudoises à pâte levée: taillé de Goumoens, taillé levé, etc.; l’utilisation domestique du levain était en effet courante dans la campagne vaudoise.

Description

Pâtisserie salée, parfois sucrée, présentée en général sous forme de galettes rectangulaires de 12 à 15 cm de longueur et de 3 cm de largeur, contenant entre un quart et la moitié de "greubons", petits résidus gras solides de la fonte du lard gras en saindoux (1 à 5 mm).

Variantes

On note quelques variantes dans les recettes relevées. Néanmoins, ces variantes ne sont pas assez significatives pour que l’on identifie différents types de taillé aux greubons, hormis dans le cas où l’on y incorpore du sucre.

Ingrédients

Farine, greubons hachés, saindoux ou beurre (à volonté), œuf, lait ou eau, levure, sel.

Histoire

William Gonet, vaudois né en 1924, présente dans son livre Les recettes de ma grand-mère une recette de taillé aux greubons léguée par son ancêtre, qui doit donc remonter à la fin du 19è siècle. Le petit-fils précise, dans un commentaire de son cru, que le taillé aux greubons est "tellement bon que les paysans le mangent entre eux, sans en parler aux gens de la ville". On dispose aussi d’une recette de "taillé aux grébons" publiée en 1907 dans La cuisine renommée d'Auguste Jotterand. Ces attestations recoupent le témoignage d’anciens bouchers du canton de Vaud, qui disent tenir cette tradition de leurs parents et grands parents.

La confection de taillés aux greubons, sous forme de galettes rondes ou en bandes, salées ou sucrées, est attestée dans le canton de Vaud et en plusieurs lieux de Suisse romande tout au long du 20ème siècle. Elle a connu un essor inattendu dès les années 1940, grâce à une innovation technique. Le fondoir à saindoux mis au point en 1945 par les Ateliers mécaniques de Vevey, dont un exemplaire est alors acquis par les abattoirs de Lausanne, s’est avéré particulièrement adapté à la production de greubons de grande taille et d’excellente qualité gustative: la fonte sous vide du lard gras de porc permettait d’obtenir des greubons sans "goût de brûlé". Le fondoir lausannois a approvisionné la plus grande partie des boucheries et boulangeries du canton jusqu’à sa mise hors service en 2001. Ce développement a vraisemblablement contribué à en faire, d’une manière plus marquée qu’auparavant, une spécialité artisanale perpétuée par les boulangers et les bouchers du canton de Vaud. Dans le même temps, la fabrication domestique du taillé aux greubons semble avoir presque totalement disparu.
L’abandon de la technologie de fonte sous vide aux abattoirs de Lausanne et le coût élevé d’éventuels équipements de substitution entraînent un retour à des greubons de plus petite taille aux caractéristiques gustatives différentes. De nouveaux canaux d’approvisionnement sont en voie de création, mais le taillé aux greubons artisanal est mis en péril par le coût d’une production très spécifique, traditionnellement dérivée de la fabrication du saindoux, et donc menacée par son déclin.

Production

Le taillé aux greubons est constitué à partir d’une pâte à base de farine, eau et levure auxquels on adjoint des greubons à concurrence d’un quart à la moitié de la masse totale. La présence de greubons, résidus gras (et non protéiques), rend superflue toute adjonction de matière grasse. Certaines recettes préconisent toutefois l’incorporation de beurre ou de saindoux en complément. On peut également ajouter des œufs à la pâte. Farine, greubons, levure et le cas échéant saindoux ou beurre sont mélangés à la manière d’une pâte sablée, puis mouillés avec de l’eau, voire du lait et de l’œuf dans certaines variantes. La pâte doit être peu travaillée. On forme ainsi une boule qui doit reposer une heure. La pâte est alors étendue à un centimètre d’épaisseur, et l’on y coupe des bandes de 3 cm de largeur que l’on dore. Cuisson à chaleur moyenne, 20 à 30 minutes. Traditionnellement, le taillé aux greubons était cuit dans des fours communautaires; il y était introduit après la cuisson du pain, ou à la fin de celle-ci.

Consommation

Le taillé aux greubons se déguste en général à l’apéritif, accompagné de vin blanc, ou comme en-cas à tout moment de la journée. Avec les flûtes et les bricelets, le taillé aux greubons fait partie des spécialités que l’on sert avec le vin dans les "carnotzets" et caves vaudois.

Importance économique

Productions industrielles (Migros), artisanales (boulangeries-pâtisseries, boucheries) et domestiques. Très courant dans les boulangeries et boucheries du canton de Vaud, quoique en quantités réduites depuis 2001. Disponible toute l'année. Production artisanale de 120 à 150 tonnes par an dans le canton de Vaud, jusqu’à la fermeture du fondoir des graisses des abattoirs de Lausanne en 2001.

... et enfin

La fabrication des greubons relève du savoir-faire des bouchers. Bien qu’étant une spécialité pâtissière, le taillé aux greubons est ainsi sur l’étal de nombreux bouchers dans le canton de Vaud.

Sources

  • Knecht, Pierre,   Dictionnaire suisse romand,   Zoe,   1997.  
  • Vouga, J.-P.,   Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud - vol.11,   Editions 24 Heures,   Lausanne,   1984.  
  • Gonet, W.,   Les recettes de ma grand-mère,   Editions Mon Village,   Vulliens,   2000.  
  • Collectif,   Table vaudoise,   Cabédita,   Yens sur Morges,   2000.  
  • Jotterand, Aug.,   La cuisine renommée,   Impr. A. Fatio,   Lausanne,   1907.  
  • Delacrétaz P.,   Construire un four à pain, cuisiner à l’ancienne,   Cabédita,   Yens sur Morges,   2000.  
  • Collectif,   L'Hebdo,   2001.  
Produits de boulangerie et pâtisserie Imprimer

Epicentre de production

Cantons de Vaud, de Neuchâtel et de Fribourg.

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