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Vacherin Mont d'Or (AOP)

Vacherin Mont d'Or (AOP)

En bref

Sa pâte coulante, la sangle d’épicéa qui le ceint et la boîte dans laquelle il est commercialisé confèrent à ce fromage du Jura vaudois une place à part dans le monde des fromages suisses. Autre singularité remarquable, le Vacherin Mont d’Or reste le fromage saisonnier qu’il a toujours été : on ne le trouve dans le commerce qu’entre la fin septembre (au moment du Comptoir suisse, la foire nationale qui se tient à Lausanne autour de la fête du Jeûne fédéral) et le tout début du printemps.

Le Vacherin Mont d’Or suisse se distingue du Mont d’Or ou Vacherin du Haut-Doubs français par quelques subtilités dans la confection du fromage : le lait utilisé est thermisé en Suisse, cru en France ; et la croûte, plus fréquemment lavée en Suisse, est en général de couleur plus foncée (rose à rouge brique). Notons que la Savoie connaît deux vacherins de même type que leurs cousins jurassiens, nettement moins renommés mais sans doute tout aussi anciens : le vacherin d’Abondance et le vacherin des Bauges. 

En Suisse, le Vacherin Mont d’Or est inscrit au registre fédéral des Appellations d’origine protégée (AOP) depuis 2003. Un cahier des charges déposé à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) décrit les exigences à respecter pour bénéficier de l’Appellation.

Description

Fromage présenté dans des boîtes en épicéa cylindriques de 10 à 32 centimètres de diamètre.

Le fromage est entouré d’une sangle en aubier d’épicéa. La croûte du fromage est ondulée, de couleur rose à rouge brique.

Ingrédients

Lait thermisé de vache, présures, sel.

Histoire

En langue française, le terme vacherin apparaît à peu près simultanément en plusieurs lieux de l’aire culturelle franco-provençale, de la Franche-Comté à la Savoie, en passant par l’actuelle Suisse romande. Le Dictionnaire suisse romand (1997) en relève les premières occurrences au 15ème siècle côté suisse, alors que l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, volumes Rhône-Alpes (1995) et Franche-Comté (1993), cite des textes des 14ème et 15ème siècles. On n’a pas d’indications sur le ou les types de fromages auxquels cette désignation s’applique alors - et a pu s’appliquer au cours des siècles suivants.  

La question de l’époque et du lieu d’apparition, dans le haut Jura franco-suisse, d’un fromage proche de celui que nous connaissons aujourd’hui, reste discutée. Denis Bonnot, dans son Le Vacherin Mont d’Or franco-suisse (2006), livre un faisceau d'indices montrant que la présence de ce fromage est plausible dès les 17ème ou 18ème siècles. Un des documents de référence est la Lettre à Parmentier sur la fabrication des fromages dans les départements du Doubs et du Jura (1799) d'Eugène Droz ; celui-ci y évoque des fromages « de boëtte [boîte, ndlr], dits gras ou de crème », qui - selon lui - auraient été introduits autour de 1740 à Bonnevaux. Plus décisive encore nous semble l'attestation relevée par l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France : Franche Comté (1993) : l’inventaire départemental des activités fromagères du Doubs, achevé en 1801, décrit des fromages de « molle consistance », « renfermés dans des boîtes de sapin de forme ronde ». Notons qu'à la même époque, en Savoie, on signale « une espèce de fromage nommé vacherin ou fromage gras que l’on transporte en petit cercles d’écorce de sapin ; il se sert à la cuiller et s’étend comme de la crème, lorsqu’il est un peu attendu » (Peuchet et Chanlaire, 1811, cités par l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France : Rhône-Alpes, 1995) 

Et en Suisse ? Quelques documents de la première moitié du 19ème siècle, et notamment des livres de comptes, mentionnent déjà le vacherin. On ne sait pas précisément de quel fromage il s’agit, mais l’almanach Le Val de Joux de 1895 date l’apparition du vacherin - tel que nous le connaissons - en Suisse à une septantaine d’année auparavant, soit autour de 1825. Le Rapport sur le concours de fromageries et d’alpage des districts d’Orbe et de la Vallée de Joux (1890), quant à lui, explique que le vacherin ne s’est implanté à la Vallée de Joux que dans les années 1850 ; René Meylan, dans son ouvrage La Vallée de Joux (1927), ne dit pas autre chose. Le vacherin, côté suisse, a ainsi dû être fabriqué en quantités réduites dans les alpages et / ou les fermes, avant de l'être dans les laiteries villageoises ; c'est avec la fondation en 1865 de la Société de laiterie des Charbonnières VD, à la Vallée de Joux, que le mouvement est vraiment lancé.

C’est précisément à partir du village des Charbonnières que se construisent la renommée et le succès international de ce fromage. Un syndicat des laiteries de la Vallée de Joux est créé en 1890 ; celui-ci exige  l’apposition de la marque ou de la raison sociale des fromageries sur les boîtes, ce qui est le signe de l'importance commerciale du vacherin produit en laiterie. Une fabrication domestique, dans les estives aussi bien que dans les fermes, se maintient néanmoins. C’est aussi à cette époque que ce fromage commence de s’implanter dans des fromageries au pied du Jura vaudois. Sur les bases fructueuses d’un commerce florissant, une lente et paisible évolution intervient alors. Dans son étude de 1957, Albert Neuenschwander signale qu’il y a 54 fabricants répertoriés de ce fromage ; la maîtrise et les connaissances techniques mobilisées par les fromagers d’alors méritent d’être relevées. En 1970-71, la Centrale du Vacherin Mont d’Or compte 62 membres. Cette même année, Paul Hugger, dans son étude intitulée La fromagerie d’alpage dans le Jura vaudois, présente la tradition de fabrication à l’alpage comme révolue. Elle réapparaîtra pourtant ponctuellement jusqu’aux années 1990, mais semble aujourd’hui éteinte. 

Les questions sanitaires arrivent sur le devant de la scène dès les années 1970. Ce fromage, très humide, est fragile ; sa qualité bactériologique est étroitement surveillée. Au cours de l’hiver 1985-86, une alerte sanitaire - à la salmonelle - touche un affineur de la Vallée. Cette année-là, la profession décide, pour garantir le respect de normes bactériologiques édictées au niveau fédéral, de thermiser le lait destiné à la fabrication du Vacherin. Dès l’automne 1986, il apparaît que la maîtrise lacunaire de cette nouvelle technique a un effet négatif sur le goût. Les défenseurs du vacherin traditionnel s’en émeuvent, et contestent jusqu’au Parlement fédéral le resserrement des normes d’hygiène. Mais c’est en novembre 1987 qu’éclate la crise qui manque d’anéantir le vacherin suisse, voire son frère français : une épidémie mortelle de listériose consécutive à la consommation de vacherin ayant été constatée, le Conseil d’Etat vaudois décide d’en interdire la vente et la consommation. Notons au passage que les traces laissées par ces événements dans la mémoire collective ne sont pas tout à fait conformes à la réalité : la thermisation du lait a bel et bien été décidée et appliquée avant la crise de la listeria. 

La profession se relève de ces douloureux épisodes en réagissant sur plusieurs fronts. D’une part elle travaille de manière rigoureuse sur l’hygiène de production du lait et de fabrication du fromage, tout en mettant en place un système de traçabilité et d’alerte considéré encore aujourd’hui comme un modèle. D’autre part elle travaille intensivement à apprivoiser la technique de la thermisation et ses effets sur le goût. Beaucoup de connaisseurs s’accordent à dire que la qualité moyenne des vacherins suisses est finalement meilleure qu’avant la mise en place de la thermisation, même si l’on trouve plus rarement qu’autrefois des fromages exceptionnels. La production se remet à croître, sans jamais avoir jusqu’à ce jour retrouvé les niveaux d’avant la crise (environ 1'000 tonnes annuelles, contre 600 aujourd'hui). La fabrication fermière ayant disparu, le Vacherin Mont d’Or, AOP depuis 2003, est produit et élaboré par une quinzaine de fabricants, fabricants-affineurs et affineurs. Il reste très apprécié en Suisse, dans le canton de Vaud en particulier, mais est beaucoup moins exporté qu'autrefois.

Production

Le Vacherin Mont d’Or AOP est fabriqué à partir du lait thermisé (c’est-à-dire chauffé entre 57°C et 68°C durant au maximum 15 secondes). Celui-ci est mis à emprésurer, puis le caillé est découpé à l’aide d’un tranche-caillé jusqu’à obtention de grains de la taille d’une cerise. Mis en moules, le caillé est pressé durant quelques heures, puis démoulé et cerclé dans une sangle en aulne d’épicéa. Pendant les 17 à 25 jours d’affinage, les fromages sont disposés sur des planchettes en épicéa ; ils sont retournés et lavés tous les jours jusqu’à l’apparition de l’oïdium, puis au moins tous les trois jours. L’affinage se déroule à une température de 9°C à 16°C. Juste avant d’être commercialisés, les fromages sont placés dans des boîtes d’un diamètre légèrement inférieur au leur, d’où la légère ondulation de leur croûte.

Consommation

Le Vacherin Mont d’Or est un fromage de plateau. Cru, il se coupe au couteau ou à la cuiller et se mange en général avec du pain. Il est possible aussi de passer le Vacherin au four, dans sa boîte (entourée d’aluminium pour éviter les fuites) ; on aura fait au préalable un petit trou pour y verser une larme de vin blanc voire une gousse d’ail. Le fromage devient ainsi liquide, on le sert à la grande cuiller sur des pommes de terre en robe des champs ou on y trempe des cubes de pain.

Importance économique

La fabrication du Vacherin est une activité centrale pour la quinzaine d’entreprises qui interviennent dans sa confection comme pour les agriculteurs du Jura vaudois et de son pied qui livrent le lait. Usuellement toutefois, les fromageries de Vacherin Mont d’Or produisent aussi du Gruyère et/ou d’autres fromages. La production annuelle totale de Vacherin Mont d’Or est d’environ 600 tonnes.

Sources

  • © Association Suisse des AOP-IGP,   Photo Vacherin Mont-d'Or AOP.  
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Epicentre de production

Jura vaudois et son pied.

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