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Ziger / Sérac, séré

Ricotta

En bref

Nous parlons ici du fromage de lactosérum nommé indifféremment sérac ou séré en Suisse romande (Ziger en Allemand), et non du fromage blanc appelé aussi séré en Suisse romande (Quark en Allemand). Le sérac, dans cette acception, est un sous-produit de la fabrication des fromages à pâte pressée cuite, de type Gruyère ou Emmentaler ; c’est pourquoi il a une telle importance en Suisse. Importance, toutefois, ne signifie pas gloire. Alors que les grands fromages tirent leur renommée de leur importance économique, nutritive et gastronomique, le sérac a été et reste dans l’ombre de ces gloires nationales. Riche en protéines, il constituait une nourriture essentielle dans les alpages où l’on « fromageait », mais ce n’était pas une nourriture très désirable. Il est apprécié aujourd’hui par certains pour sa faible teneur en lipides, d’autres aiment sa saveur douce.

Description

Produit obtenu à partir de petit-lait entier ou écrémé, par précipitation acide à chaud, avec adition éventuelle de lait écrémé ou de babeurre. Il est de couleur blanche et sa texture est friable.

Variantes

Sérac salé ou additionné d’herbes aromatiques, sérac fumé.

Ingrédients

Petit-lait, ferment acide, sel (facultatif), herbes aromatiques (facultatif)

Histoire

La première attestation du mot sérac ou séré nous vient du latin médiéval (seratium) et remonte au 12ème siècle, si l’on en croit le Dictionnaire suisse romand. On trouve une mention de séracs et de fromages dans un document gruérien datant du mois d’octobre 1312. Fernand Loew, dans son article intitulé Notes concernant l’alimentation au XVe siècle (cité par Bodmer 1967), précise qu’à Fribourg, "on consommait du "serai" déjà au XIIIe siècle.". En Valais, un document daté du 6 mars 1437, une veuve du val d’Hérens nommée Jeanette remet "tous ses biens meubles et immeubles" à ses deux fils qui devront, en échange, lui fournir, parmi bien d’autres denrées alimentaires, "deux séracs de la montagne d’Arolla" chaque année. (Dubuis, 1996). Ces mentions se rapportant au Moyen-Age tardif ont suscité quelques interrogations : que nommait-on sérac ou séré à cette époque ? Nous suivons l’historien Nicolas Morard pour considérer qu’il ne s’agissait pas forcément du sous-produit que l’on connaît aujourd’hui, mais, selon les situations, de fromages de plus haute valeur économique ou de fromages domestiques de confection relativement aisée. Du point de vue technologique, les sérés étaient vraisemblablement produits comme les séracs d’aujourd’hui (précipitation à haute température à l’aide d’un acide), mais à partir de lait entier ou partiellement écrémé. D’où leur prix parfois élevé. On a encore en Suisse deux vestiges de cette ancienne manière de faire du fromage, le Schabziger du Glaris et le „Spendziger“, fromage de la Spend de Ferden (VS). 

Le séré en tant que fromage de pauvre, vraisemblablement produit à partir de petit-lait comme aujourd’hui, apparaît dans la littérature dès la Renaissance. Jacques Peletier du Mans écrit en 1572 que c’est "des povres gens l’ordinaire pitance", ainsi que le rapporte L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Rhône-Alpes. Plusieurs écrits des 18ème et 19ème siècle montrent aussi de manière indubitable que, à cette époque, le sérac est proche de ce que l’on connaît aujourd’hui. En Suisse les anciens sérés semblent avoir été largement supplantés par les fromages à pâte pressée cuite, on utilise désormais la technique d’acidification à haute température pour transformer le petit-lait. En effet, il reste dans ce dernier, après fabrication du fromage, une bonne partie de l’albumine contenue initialement dans le lait. 

De Capitani, dans son Soupes et citrons (2002) consacré à l’alimentation dans le Canton de Vaud à la fin de l’Ancien régime, évoque ces "seconds fromages", de qualité médiocre, qui font alors partie de l’alimentation quotidienne des paysans. Ces fromages ne sont pas aimés. Marie-Anne Guérin, dans son article intitulé La chute du sérac, explique qu’ils ont représenté pour beaucoup de gens le "fromage de la honte" ; en effet, le sérac "évoque plutôt des souvenirs de pauvreté et d’âpreté de la vie quotidienne. […] [Dans] leurs récits, cet aliment s’apparente à une période difficile, parfois mal vécue.". L’implantation de la production fromagère en plaine, au 19ème siècle, ne change rien à ce statut d’infériorité : le petit lait, disponible en abondance, est surtout utilisé pour nourrir les porcs. Au 20ème siècle encore, à l’alpage, il est servi jusqu’à la nausée aux employés durant tout l’été, de même que tous les autres produits laitiers ; Paul Hugger le rapporte de manière particulièrement saisissante dans le cas du Jura vaudois. 

 Structurellement, au cours du dernier siècle, la consommation du sérac a diminué au fur et à mesure que le niveau de vie s’accroissait. Elle est aujourd’hui très faible par rapport à celle des autres fromages ; les quantités produites ne sont même pas précisément connues. Swissmilk führt Ricotta unter „Frischkäse / Fromage frais“; auf der Website von swissmilk kommt Ziger nur in den Rezepten vor („Ziger oder Ricotta“). Toutefois on trouve du sérac dans l’assortiment des principaux distributeurs suisses : dans ce contexte, il est principalement apprécié pour ses qualités nutritives (protéique et peu gras) ; certains aiment aussi sa saveur douce et lactée. En certaines régions de Suisse alémanique, on prépare des beignets (Zigerkrapfen) à partir du sérac.  L’été, les alpages où l’on fabrique du fromage proposent du sérac de plus haute qualité gustative ; en certains lieux, ce sérac est même fumé (on le dépose sur une planche, sous le chapeau de la cheminée). Dans les alpages où il y a des chèvres, le sérac de chèvre est une spécialité très appréciée. Notons que, à partir de la matière première un peu fruste qu’est le petit-lait caillé, il est possible d’obtenir des produits savoureux, par simple adjonction de lait ou de crème : ainsi les ricotta italiennes, les brousses françaises ou le brocciu corse. 

Production

Le lactosérum (petit lait) est obtenu après caillage du lait à l’aide de présure et de bactéries lactiques sélectionnées. Il est ensuite chauffé à environ 90°C. La précipitation des protéines du petit lait (albumine) s’obtient par diminution du pH, soit par adjonction d’acide (lactique, acétique ou citrique). Les parties solides sont ensuite récupérées à l’aide d’une passoire et versées dans des moules percés dans lesquels on laissera le produit s’égoutter et, donc, s’affermir. Contrairement à la caséine, qui sédimente au fond de la cuve, l'albumine flotte à la surface du liquide. 

Dès le lendemain, le sérac est prêt à la vente et à la consommation. Le sérac frais n’a que peu de goût. Pour un goût plus prononcé, on peut, à souhait, affiner et/ou fumer le sérac. On peut également ajouter du sel et/ou des herbes aromatiques. Le solde du liquide de cuisson peut être acidifié et conservé au froid pour la prochaine fabrication. Cette préparation se nomme "azi".Il faut environ 40 litres de lait pour produire un kilogramme de sérac.

Consommation

Le sérac ayant peu de goût, le saupoudre généralement de sel et de poivre, qu’on le consomme frais, frit ou poêlé. Dans ce dernier cas, on le coupe en tranches pas trop fines, le saupoudre de sel, de poivre et éventuellement de ciboulette puis le fait rôtir dans une poêle avec un peu d’huile.  Le sérac entre enfin dans la préparation de pâtisseries très appréciée en plusieurs régions de la Suisse alémanique (notamment la Suisse centrale et Zürich). Ces Zigerkrapfen sont des beignets fourrés d’une garniture à base de sérac sucré et aromatisé.

Importance économique

La production suisse de sérac n’est pas connue. En tout état de cause, dans les fromageries artisanales qui en proposent, il s’agit d’un fromage de faible valeur économique.

... et enfin

Le "macéré" est une autre manière, maintenant disparue, de préparer le sérac. Paul Hugger la décrit dans son opus La fromagerie d’Alpage dans le Jura vaudois (1971). Il s’agissait du « morceau de choix du connaisseur ». Pour préparer le macéré, on creusait un trou dans la terre sous le chalet : « C’est là qu’on posait la caisse de séré, auparavant fortement salé et surtout poivré. Cela se faisait le plus souvent en automne avant la descente ; pendant l’hiver, la caisse restait enterrée; on la déterrait au printemps, le jour de la montée. […] D’autres bergers enterraient la caisse au début de l’alpage, pour pouvoir manger du macéré le jour du Jeûne Fédéral, particulièrement observé dans les alpages. Après avoir raclé la couche extérieure, abîmée, on pouvait consommer ce macéré qui, dit-on, était très bon, d’un goût prononcé, comparable dans une certaine mesure au Gorgonzola. » (Hugger, 1971)

Une fois le sérac extrait du petit lait, reste un liquide "pratiquement stérile [...] utilisé pour la fabrication de la présure des prochains jours et le lavage de tous les bois en contact avec le fromage" nous dit Claude Quartier dans son livre intitulé Le Pays-d'Enhaut: Les fromagers et l'avenir des Alpes (1980). Ce sous-produit de sous-produit est "meilleur encore que l'eau pour nettoyer la vaisselle laitière, car contenant les ultimes restes d'une flore familière" poursuit l'auteur.

Sources

  • Knecht, Pierre,   Dictionnaire suisse romand,   Zoe,   1997.  
  • Schweizerisches Archiv für Volkskunde,   1911.  
  • L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France: Rhône-Alpes,   Albin Michel,   Paris,   1995.  
  • Musée neuchâtelois,   1977.  
  • Dubuis, Pierre,   Ce que manger veut dire en Valais aux XIVème-XVIème siècles,   Bibliothèque cantonale du Valais,   Sion,   1996.  
  • Collectif,   Cahiers du Musée gruérien: La civilisation du Gruyère,   Société des Amis du Musée gruérien,   Bulle,   1999.  
  • Hugger, Paul,   La fromagerie d'alpage dans le Jura vaudois,   G. Krebs,   Basel,   1971.  
  • Fédération des producteurs suisses de lait,   www.swissmilk.ch,   consulté en jui.  
  • swissmilk.ch,   Avril 2017.  
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